Ladiplomatie a longtemps Ă©tĂ© l’univers consacrĂ© des ambassadeurs et des dĂ©lĂ©gations dĂ»ment accrĂ©ditĂ©es pour conclure des traitĂ©s de paix au nom de leur royal mandataire. Cette diplomatie des grands acteurs est progressivement laissĂ©e de cĂ´tĂ© depuis une trentaine d’annĂ©es. Le prĂ©sent colloque propose de prolonger ces avancĂ©es en s’intĂ©ressant aux interactions entre les1Entre la MĂ©diterranĂ©e et l’Atlantique la frontière est tĂ©nue. Leurs origines et leurs configurations gĂ©ographiques les unissent. Les eaux de l’une et celles de l’autre parviennent Ă se fondre selon les ocĂ©anographes, au point que l’Organisation hydrographique internationale propose, pour limiter de façon arbitraire ocĂ©an Atlantique et mer MĂ©diterranĂ©e, les caps de l’Atlantique, consacrant une union dĂ©jĂ entĂ©rinĂ©e par bien des voix autorisĂ©es, que ce soit celles des scientifiques, de Michelet Ă Cousteau, ou celles des poètes, de Pierre de Marbeuf Ă Nadia TuĂ©ni. Sans d’ailleurs qu’une ligne de partage des eaux sĂ©pare ces deux ordres de discours tant leurs rhĂ©toriques se confondent dans un lyrisme qui dĂ©note la signification archĂ©typale commune de cette mer et de cet ocĂ©an, au sens oĂą la dĂ©finit Gilbert Durand, dont les thĂ©ories vont Ă©tayer le prĂ©sent propos. 2Il semble y avoir parentĂ© entre la mer, l’ocĂ©an et la poĂ©sie. ParentĂ© fonctionnelle au moins pour des rĂ©alitĂ©s qui confrontent l’homme Ă ce qui le dĂ©passe, lui enseignent la sagesse en lui dĂ©voilant les secrets de son cĹ“ur tant en elles se mirent sa vie intĂ©rieure et ses aspirations les plus indicibles, allant de la quĂŞte d’un absolu des plus Ă©levĂ©s aux dĂ©sirs sensuels les plus terrestres. Ainsi avons-nous choisi d’étudier le lien entre Atlantique et MĂ©diterranĂ©e en suivant l’expression poĂ©tique qu’il engendre. 3L’origine du nom de l’ocĂ©an Atlantique est Ă chercher au cĹ“ur des mythes grecs, soit celui des Atlantes, soit celui du titan Atlas qui soutenait la voĂ»te cĂ©leste grâce, notamment, aux Colonnes d’Hercule, localisables dans le dĂ©troit de Gibraltar. Pour les peuples antiques, l’Atlantique dĂ©signait la mer qui s’étendait au-delĂ de ce dĂ©troit par rapport Ă la MĂ©diterranĂ©e. La mer OcĂ©ane fut longtemps le nom donnĂ© Ă cet ocĂ©an Christophe Colomb Ă©tait ainsi surnommĂ© l’Amiral de la Mer OcĂ©ane. L’ocĂ©an Atlantique trouve donc l’étymologie de son nom en des mythes porteurs des peurs et des rĂŞves de l’homme ou Ă travers ceux d’un Titan rĂ©gnant avant l’équilibre apportĂ© par Zeus. Cet ocĂ©an, dans l’inconscient humain, transporte donc les sentiments originels associĂ©s Ă l’inconnu. 4Des cĂ´tes de l’Atlantique sont en effet parties les plus grandes explorations europĂ©ennes vers des terres d’abord fantasmĂ©es et des exploits surhumains, des Vikings, en passant par Gil Eanes, Christophe Colomb et Alessandro Bianchi, jusqu’à Guy Delage. 5Cet ocĂ©an est particulièrement dĂ©routant car il est bordĂ© de mers et se dĂ©finit en fonction de ses mers que l’on nomme bordières, telle la mer MĂ©diterranĂ©e. 6Le terme de MĂ©diterranĂ©e vient du latin mediterraneus qui signifie au milieu des terres », du monde connu » s’entend. Elle prend diffĂ©rents noms Ă travers l’histoire, dont Mare nostrum, qui lui confère un caractère hospitalier, voire intime. Les Grecs l’appelaient aussi la mer de TĂ©thys, la dĂ©esse mère exprimant ainsi le lien affectif mĂŞlĂ© Ă©galement des peurs de l’enfant pour sa mère qui les unissait Ă cette Ă©tendue d’eau nourricière. 1 Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, Paris, PUF, 1960, p. 38. 7Le bassin mĂ©diterranĂ©en est le berceau de la civilisation occidentale. Ainsi est-il apte Ă marquer les imaginaires, c’est-Ă -dire, nous explique Gilbert Durand, l’incessant Ă©change qui existe ... entre les pulsions subjectives et assimilatrices et les intimations objectives Ă©manant du milieu cosmique et social »1. En effet, elle est le rĂ©ceptacle comme originel de civilisations rayonnantes qui ensemencent de leur culture les peuples migrateurs, les peuples de la mer » dont sont issus les Celtes qui vont peupler l’Europe et la fĂ©conder, Ă chacune de leurs escales, de la MĂ©sopotamie, de l’Égypte jusqu’à la Galice, la Bretagne et l’Irlande. Ces influences culturelles font que les sources d’images de l’Atlantique et de la MĂ©diterranĂ©e, de façon intrinsèque, sont naturellement poreuses. 8Sa configuration physique valide ce constat la mer MĂ©diterranĂ©e est une mer mĂ©diterranĂ©enne, les Ă©changes d’eaux profondes avec les ocĂ©ans sont limitĂ©s, mais existent. Mer intĂ©rieure, elle est rassurante, et c’est lĂ sa principale caractĂ©ristique dont les textes se font l’écho, Ă l’opposĂ© de la mer ocĂ©ane qui s’ouvre, elle, sur l’immensitĂ© terrifiante, mais aussi combien fascinante ! Dans cette typologie diffĂ©rentielle, toutes deux participent, par les images qu’elles suscitent, de l’expression humaine de l’angoisse existentielle Ă laquelle cet imaginaire contrastĂ© tente de rĂ©pondre puisque, Ă suivre Gilbert Durand, l’origine de l’imaginaire renvoie Ă l’angoisse existentielle que provoque l’expĂ©rience nĂ©gative » du Temps » chez un ĂŞtre humain qui se sait mortel. De cette angoisse existentielle et universelle naĂ®t l’imaginaire, jaillissement liquide qui combine des eaux calmes et bienfaisantes et des eaux torrentielles et furieuses, capables de tout emporter. 9MĂ©diterranĂ©e et Atlantique sont donc d’abord gĂ©ographiquement apparentĂ©s avant d’être unis dans le langage poĂ©tique. Les spĂ©cificitĂ©s de cette mer et de cet ocĂ©an font leur richesse et leur confèrent une force attractive crĂ©atrice exceptionnelle oĂą se mĂŞlent les images porteuses de l’expression de la Weltanschauung de l’homme. Les hypotextes les plus dĂ©cisifs qui se construisent autour de l’image de la mer se trouvent chez Homère et Virgile. Ils donnent naissance Ă un genre poĂ©tique, que l’on pourrait baptiser poĂ©sie maritime », qui va des poètes de la Renaissance jusqu’à nos jours en passant par les romantiques, et qui ne s’épuisera jamais car ce genre exprime l’imaginaire humain primordial au sens oĂą le dĂ©finit Gilbert Durand les images sont le moule affectif reprĂ©sentatif des idĂ©es, c’est-Ă -dire qu’elles sont antĂ©rieures aux idĂ©es et non le contraire. Ce genre fait naĂ®tre et contient donc la quĂŞte du sens, L’OdyssĂ©e pouvant ĂŞtre considĂ©rĂ©e comme le rĂ©cit mythique de l’aventure humaine. 10Ce genre se dĂ©finit par des particularitĂ©s sĂ©miologiques et sĂ©mantiques et se dĂ©termine Ă partir d’un archĂ©type, selon la dĂ©finition de Gilbert Durand, qui est la mer qu’elle soit OcĂ©ane ou MĂ©diterranĂ©e. Ă€ la lecture des poèmes maritimes », on peut observer la construction de certaines images et voir comment elles constellent » Ă partir d’un noyau organisateur archĂ©typique ». C’est ainsi que peut s’expliquer la rencontre entre l’ocĂ©an Atlantique et la mer MĂ©diterranĂ©e dans un mĂŞme poème au fond de ce rĂ©ceptacle oĂą perdure le liquide amniotique, l’homme regarde l’infini de son âme et l’étendue de tous ses possibles. 11Nous montrerons dans un premier temps comment l’ocĂ©an Atlantique et la mer MĂ©diterranĂ©e se mĂŞlent au cĹ“ur d’un mĂŞme poème. Avant d’analyser l’évolution de cette fusion Ă travers les Ĺ“uvres des poètes qui contemplent la mer et de ceux qui s’amarinent ; nous Ă©tudierons ainsi des extraits d’œuvres occidentales de la Renaissance Ă nos jours, sans oublier les poètes arabes modernes telle la libanaise Nadia TuĂ©ni. Puis nous expliquerons en quoi cette fusion relève de l’archĂ©type de la mer, caractĂ©ristique de ce genre original qu’est la poĂ©sie maritime. Par le langage maritime, la poĂ©sie ouvre une porte vers un lendemain oĂą tout est possible, tel le gabier qui observe l’horizon, le poète est tendu vers l’avenir, vers tous les avenirs oĂą se lit la quĂŞte de l’être aimĂ© et idĂ©alisĂ©, l’aspiration vers l’ailleurs, vers le dĂ©passement de soi, vers l’essence des choses quĂŞte qui n’est autre que celle de la parole poĂ©tique. Confluence poĂ©tique de la MĂ©diterranĂ©e et de l’Atlantique 12Le tableau suivant montre la signification de la prĂ©sence de ces deux espaces, intimement liĂ©s ou clairement distincts Poèmes Mer OcĂ©an Eau “À l’horizon” Didier Sicchia Personnification. Figure hostile Ă la fois fascinante et terrifiante qui soumet l’homme. ReprĂ©sentation du lieu de la lutte inhĂ©rente Ă l’homme exprimĂ©e dans le mythe de Sisyphe. Prise Ă tĂ©moin du lecteur lutte Ă©levĂ©e Ă une dimension collective “ Alfred de Musset MĂ©taphore de l’adversitĂ© Incarnation de la colère Comparaison homme et ocĂ©an InfĂ©rioritĂ© de l’ocĂ©an face Ă un sentiment propre Ă l’humanitĂ© l’amitiĂ©. La contemplation des fureurs ocĂ©anes sert de contre-miroir Ă la grandeur de l’homme et permet d’exprimer un hymne Ă l’amitiĂ©. “À Ulric G” Alfred de Musset MĂ©taphore profondeur des eaux exprimant la profondeur de la douleur humaine qui, elle, est sans fond. “Bleu” Blaise Cendrars Expression de la douceur Comparaison avec un lac. RĂ©unification des Ă©lĂ©ments. “Brise marine” MallarmĂ© MĂ©taphore de l’ailleurs, de la destination assurant l’antidote Ă l’ennui. “L’appel du large” Baudelaire Mer mĂ©taphore de l’utopie de toute Ă©vasion, Miroir sans fond de l’âme humaine, vision de l’homme condamnĂ© Ă l’amertume. “L’homme et la mer” Baudelaire Personnification de la mer. FraternitĂ© entre l’homme et la mer dans la complexitĂ© de leur âme, mer et homme que voilĂ toutefois frères ennemis. “L’éternité” Rimbaud Lieu de l’allĂ©gresse. Union de l’eau et du feu de la mer et du soleil. Retour Ă l’origine qui se traduit par un retour Ă l’éternitĂ©. “La mer” Chateaubriand Personnification mère aux multiples possibles, omniprĂ©sente, lieux de tous les rĂŞves et des rĂŞves les plus doux oĂą l’homme est enfin compris. Guide de l’âme qui lui permet de s’unir au cosmos. Un Ă©lĂ©ment du grand tout, associĂ© aux orages » vers oĂą la mer guide l’âme. “La mer” Sully Prudhomme Personnification femme dĂ©esse dont la grandeur isole et rend inaccessible. “Oceano nox” Victor Hugo Lieu fĂ©cond Personnification de la mère. Lieu oĂą se manifeste la transcendance. Sentiment de la prĂ©sence de Dieu. Lieu hostile et porteur de guerre et de tourments pour l’homme. “Aurore sur la mer” RenĂ©e Vivien Confidente libĂ©ratrice et porteuse de vie. “L’âge d’écume” Nadia TuĂ©ni Image de la vie. PrĂ©sence immanente porteuse de renouveau et de rĂ©surrection. Transcendance porteuse de rivalitĂ©. Une poĂ©tique Ă deux versants ? 13Victor Hugo, dans le poème suivant oĂą il se met face Ă la mer et Ă l’ocĂ©an, montre de façon caractĂ©ristique le visage de ces deux Ă©tendues Un jour que mon esprit de brume Ă©tait couvert,Je gravis lentement la falaise au dos vert,Et puis je regardai quand je fus sur la moi l’air et l’onde ouvraient leur double chose de grand semblait tomber des bruit de l’ocĂ©an, sinistre et furieux,Couvrait de l’humble port les rumeurs soleil d’oĂą pendaient des rayons magnifiques,Ă€ travers un rĂ©seau de nuages flottants,S’épandait sur la mer qui brillait par vent chassait les flots ou des formes sans nombre,Couraient. Des vagues d’eau berçaient des vagues d’ Ă©tait immense et l’on y sentait Dieu. 14La mer lui inspire des pensĂ©es d’énergie vitale et l’ocĂ©an des pensĂ©es d’énergie destructrices. 15RenĂ©e Vivien, dans Aurore sur la Mer », reprend la thĂ©matique de Victor Hugo pour comprendre, grâce Ă la vision de la mer, l’énergie de vie qui l’habite au-delĂ des circonstances de son existence. La mer y est personnifiĂ©e en confidente et en Muse libĂ©ratrice. Je te mĂ©prise enfin, souffrance passagère !J’ai relevĂ© le front. J’ai fini de âme est affranchie, et ta forme lĂ©gèreDans les nuits sans repos ne vient plus l’ je souris Ă l’Amour qui me vent des vastes mers, qui, sans parfum de fleurs,D’une âcre odeur de sel ranimes ma faiblesse,Ă” vent du large ! Emporte Ă jamais les douleurs !Emporte les douleurs au loin, d’un grand coup d’aile,Afin que le bonheur Ă©clate, triomphal,Dans nos cĹ“urs oĂą l’orgueil divin se renouvelle,TournĂ©s vers le soleil, les chants et l’idĂ©al ! 16Ces poèmes emblĂ©matiques montrent que la contemplation de la mer et, plus encore, son contact ouvrent le cĹ“ur de l’homme au lyrisme. En effet, tous les poèmes oĂą se trouve le mot mer ou le mot ocĂ©an expriment l’épanchement du cĹ“ur, les questionnements sur l’âme, dĂ©finition fondamentale du lyrisme ainsi naissent les poètes et les images porteuses d’idĂ©es qu’ils transmettent. 17La mer MĂ©diterranĂ©e ou OcĂ©ane est le lieu de tous les rĂŞves espace sans limite oĂą se disent les maux des hommes jusqu’aux plus innommables. Avant les romantiques, mis Ă part le cas de Marbeuf qui Ă©crit un exercice de style autour du mot mer Et l’amour et la mer ont l’amer pour partage » et qui met en Ă©vidence combien l’image rĂ©veille l’idĂ©e et Ă quel point la mer va devenir un archĂ©type, les poètes disant la mer ou l’ocĂ©an Ă©taient des navigateurs ils exprimaient donc la lutte de l’homme contre les flots, mais aussi l’émerveillement face Ă la mer, sentiments annonciateurs de l’archĂ©type que constituent mer et ocĂ©an. Ainsi de Joseph-Étienne EsmĂ©nard 1769-1811, qui a rĂ©sidĂ© aux Antilles et qui Ă©crit La Navigation. De nos jours, il existe encore des poètes qui prennent la mer ou des marins qui deviennent poètes tel Henry Jacques 1886-1973, qui a franchi le Cap Horn sur un trois-mâts. 18Tous ces poètes peuvent faire leur la phrase de Victor Hugo Je rends Ă la mer ce que j’ai reçu d’elle ». 19La poĂ©sie orientale, telle que la chante Nadia TuĂ©ni, par exemple dans L’âge d’écume », Ă©voque la mer comme une entitĂ© faisant partie de l’âme humaine, inscrite au plus profond de sa conscience, la mer habite l’homme comme l’homme habite la mer. Sa poĂ©sie dĂ©vide le thème de l’osmose, voire de la fusion entre l’homme et la mer Ă€ Nijni-Novgorod la mer est oubliĂ©e dans les yeux du pĂŞcheurQui tout bas sous le vent ramasse l’ombre des figuiersIl met les transparences dans le jaune des ruinesSonnent les cloches vivesĂ€ Nijni-Novgorod oĂą le soleil entend et gonfle les prièresDes bĂ»chers de visages regardent le ciel froidTout incendiĂ© d’oiseaux. 20Dans le poème Les Survivants », l’ocĂ©an est personnifiĂ©, comme crĂ©ateur transcendant qui met en rivalitĂ© les Ă©lĂ©ments alors que la mer est immanente Ă l’homme et est unificatrice, accueillante et protectrice. Elle peut ĂŞtre Ă©galement purificatrice et libĂ©ratrice et, surtout, source de vie et mĂŞme de rĂ©surrection car elle est l’origine, le premier habitacle de l’homme. Vie et mer sont synonymes. 21Elle est renouvellement, donc porteuse de l’oubli qui assure la vie. Reprenant la vision de la mer et de l’ocĂ©an jusque-lĂ vĂ©hiculĂ©e par les poètes, Nadia TuĂ©ni montre bien qu’elle est un archĂ©type, celui de l’origine qui contient tout ce qui touche Ă l’âme humaine Un oiseau sur l’occident se pose. Ă€ peine dans tes mains la nuit s’obstine, l’amour comme une odeur se couche, telle est l’aube qui me paralyse jusqu’à la je pouvais dire je n’ai qu’un silence, si je pouvais dans la lumière sans rĂ©ponse faire d’un cri un pays, alors il n’y aurait pas de fin sur l’ pas d’ocĂ©an je nomme l’eau, et le ciel sera fou. La terre a reconnu mes lèvres. Moi je cherche encore ce qui dans le sommeil est peuplĂ© de vautours. Aucun lien entre la croix et le geste. En fermant les yeux je vois la vie Ă perdre du voyageur telle est la tendre plainte, et dans sa voix l’écho d’un ancien bord de la mĂ©moire une oreille jardins rampent sous la lune et la pluie immobile sur l’aile d’ survivrons jusqu’à en rire ; de dos c’est survivrons au mouvement paisible du soleil avec la patience des dont le ventre est temps d’aimer, moi qui n’ai rien compris au règne des distances, que dire au vent qui nous dĂ©membre, Ă la peur qui nous tranche la tĂŞte ? Tout homme endormi est une Ă©tĂ© cette image trouĂ©e de mille angoisses qui saignait de mĂ©moire ? Ă” mort plus nourricière que le feu, s’il n’y a qu’un conteur sans histoire et le chien bleu des songes, alors je ne dĂ©pends que de la un bruit de corps froissĂ© envahit le dĂ©sert ; il s’agit d’un matin qui m’échappe des doigts, avec des cris de toutes les couleurs. Les villes se peignent de survivons jusqu’à en rire, jusqu’au regard fixe entre parole et temps long se repose. 22Dans ses poèmes suivants, la mer apparaĂ®t comme l’origine de toute vie et, partant, rĂ©ponse de vie Ă la mort, elle assure le renouveau jusqu’à la rĂ©surrection inclusivement Ă€ l’origine il y eut un rĂŞveur de terreComme une goutte de pluie au soleilQuand l’hiver n’est plus tout Ă fait dire mon envie d’êtreElle qui et simplement la mort ?Dois-je dire l’espace qui se tord les mainsDe n’avoir rien compris au rire de l’enfant ?“Qu’on me donne un chemin et j’en ferais un mondeProfond comme une couleur une odeur un matin” ;Ainsi parleraient la mer et ses peuplesĂ€ qui ne demande qu’à croire ;Pourtant le ciel de peur existe Et le sol sous nos tĂŞtes espère l’interminable est tardif ce geste de colèreQui nous fait deux fois homme et plusieurs fois vivant. Reviendras-tu si je disais la terre est au bout de tes doigtsComme une branche calcinĂ©e et dĂ©jĂ refroidie ?Les oiseaux sont morts plusieurs fois Ă pic contre tes cheveux blondsIls avaient adoptĂ© la mer pour viceĂ€ cause des algues sonoresEt des pistes qui se dĂ©fontLentementTrop tard pour naĂ®tre chaque instantĂ€ genoux devant des visages oĂą toute couleur est hostieComme une gorge prise au bĂ©tail qui dĂ©vore un rayon de soleilReviendras-tu si je disais la mer est au bout de tes doigts ? J’ai retenu la viePour que dure l’instant sous le poids des mĂ©moiresJ’ai retenu la nuitPlus doucement qu’une main de femmePlus longuement sans oublierContre des murs vivantsSur un Ă©troit chemin utile comme un arbrePour que le don de Mort recouvre les eaux suresJ’ai retenu la merLoin des cathĂ©drales dont elle se glorifieLoin de ces araignĂ©es qui tissent encore des vagues pour attirer la plageEt des rochers tordus oĂą s’en ira la vieJ’ai retenu la vieJ’ai retenu la merPour que reste le cri des oiseaux de l’orageCeux qui n’ont plus rien dit depuis la grande attenteCeux qui prient chaque fois pour les morts en puissanceEt dĂ©tiennent la tour d’oĂą soufflent tous les ventsJ’ai retenu la merLa nuit est moins fĂ©roceQui permet au soleilUn temps de revenir. 23Ainsi, l’étude des poèmes les plus porteurs de sens, quels que soient les âges et les cultures, montre que la mer, qu’elle soit MĂ©diterranĂ©e ou OcĂ©ane, est le miroir oĂą l’homme tente de percer les secrets de son âme en quĂŞte de lui-mĂŞme, de l’origine retrouvĂ©e et, ainsi, de la mort vaincue. La mer l’attire et le fait fuir de façon magnĂ©tique selon les Ă©motions qui le traversent. ArchĂ©type et Ă©mergence d’un genre 24Qu’est-ce qu’un archĂ©type ? Gilbert Durand utilise ce terme dans la lignĂ©e des Ă©tudes de Jung qui dĂ©finit l’archĂ©type comme un concept se rapportant Ă une structure psychique. Un archĂ©type est, au sens Ă©tymologique, un modèle gĂ©nĂ©ral, une forme d’expression donnĂ©e a priori », c’est-Ă -dire une image primordiale » possĂ©dant un fort pouvoir de reprĂ©sentation qui ne fonctionne que par des caractĂ©ristiques intrinsèques et oĂą se trouve contenu un thème universel, le tout exprimĂ© Ă travers les modèles Ă©lĂ©mentaires de reprĂ©sentation, qui procèdent de l’inconscient. Selon Jung, l’archĂ©type organise et structure les processus psychiques de l’être humain, Ă l’instar de l’instinct chez les animaux. Il s’agit d’images mentales qui structurent l’inconscient collectif. 2 Gilbert Durand, Les Structures anthropologiques de l’imaginaire, op. cit., p. 19. 3 Ibid., p. 20. 25Dans Les structures anthropologiques de l’imaginaire introduction Ă l’archĂ©typologie gĂ©nĂ©rale, Gilbert Durand explique que l’image est porteuse de sens et que ce sens est Ă chercher dans le sens figurĂ©2, il approfondit la pensĂ©e de Jung en explicitant que toute pensĂ©e repose sur des images gĂ©nĂ©rales, les archĂ©types, schĂ©mas ou potentialitĂ©s fonctionnelles » qui façonnent inconsciemment la pensĂ©e », siège de l’imagination oĂą s’homogĂ©nĂ©ise la reprĂ©sentation3. Les archĂ©types, qui constituent les images primordiales, donnent corps aux schèmes. L’archĂ©type est le lieu qui fournit une structure Ă l’idĂ©e, l’image donnant naissance Ă l’idĂ©e. Le schème de l’ennui, par exemple, correspond au rĂ©flexe de l’envie de l’ailleurs dans toutes les acceptions du terme, dont la quĂŞte de l’origine. Rencontrant le schème de la peur de la mort, quelle que soit la forme que prend cette peur, il donne l’archĂ©type de la mer. Le schème de la rĂ©volte sous toutes ses formes correspond Ă la dynamique de la tempĂŞte et donne l’archĂ©type de l’ocĂ©an. 26Nous voyons bien ici que l’archĂ©type n’est pas un symbole, car l’archĂ©type est universel et Ă©chappe Ă toute ambivalence, de plus il n’est pas polyvalent et est associĂ© Ă un schème de façon univoque. L’archĂ©type est une des composantes qui structurent le mythe, rĂ©cit toujours vivant mais Ă la plasticitĂ© infinie, relatif Ă une Ă©poque donnĂ©e, lieu des questionnements les plus profonds des hommes. 27De cet archĂ©type Ă©merge un genre. La poĂ©sie mentionnant la MĂ©diterranĂ©e ou l’Atlantique fait Ă©merger un genre nouveau que l’on peut nommer poĂ©sie de la mer et de l’ocĂ©an, ou poĂ©sie maritime si l’on englobe l’élĂ©ment marin Ă l’élĂ©ment ocĂ©anique. En effet, cette poĂ©sie correspond bien au concept de type catĂ©goriel qui dĂ©finit un genre littĂ©raire, elle rĂ©unit sous une forme et un fond commun un ensemble de poèmes. Elle appartient Ă un cadre qui correspond aux attentes du lecteur et Ă un modèle d’écriture pour le poète système d’énonciation, registres et thèmes convergents. 28La mer comme l’ocĂ©an permettent l’expression poĂ©tique des Ă©motions sentiment de la nature, amour, amitiĂ©, mĂ©lancolie, peur face Ă la mort, adoration religieuse, le lyrisme a Ă©tĂ© la première expression humaine que l’on retrouve dans le mythe, les psaumes ou les premières odes. Dans cette expression primordiale dominent le vocabulaire affectif, les interrogations existentielles, les exclamations Ă©motionnelles, les invocations ; sa langue est celle des figures de style mĂ©taphores et personnification qui rĂ©vèlent en l’homme sa quĂŞte de relation et, donc, d’harmonie avec le monde qui l’entoure et plus particulièrement avec cette Ă©tendue d’eau d’oĂą il se dit provenir tant elle lui parle de lui. 29Ainsi s’affiche le lien porteur de sens unissant mer MĂ©diterranĂ©e et ocĂ©an Atlantique qui tous deux participent de l’aspiration vers l’inconnu dans tout son potentiel fantasmatique, comme vers la sĂ©rĂ©nitĂ© du retour Ă l’unitĂ© originelle. Personnellementje crois Ă l'existence de l'Atlantide, mais c'est la première fois que je la vois situĂ©e dans l'OcĂ©an Indien. On parle quelquefois de la MĂ©diterranĂ©e, le plus souvent de l'Atlantique, ce qui correspondrait aux descriptions faites par Pythagore, Platon et Edgar Cayce qui la situaient au-delĂ des Colonnes d'Hercule. Annoter ce chapitre Comment annoter ? Deux types d'annotations sont disponibles sur OpenEdition Books Les annotations libres elles font office de système de commentaire ou de notes personnelles. Les Ă©valuations ouvertes par les pairs publiques et produites dans le cadre d'une expĂ©rimentation lancĂ©e de fĂ©vrier Ă juin 2019 sur une dizaine de titres. Pour en savoir plus, consulter la liste des ouvrages participants et les règles de bonne conduite. OĂą annoter ? Plusieurs groupes d'annotation ont Ă©tĂ© créés. Une fois connectĂ© dans merci de vĂ©rifier dans le menu dĂ©roulant que vous annotez dans le bon groupe et consultez notre guide utilisateur. Dans le cadre de l'expĂ©rimentation utiliser le groupe "OPR" de l'Ă©diteur de la publication. Hors expĂ©rimentation utiliser le groupe "Public". Toponymie et iconographie Emmanuelle Vagnon Texte intĂ©gral 1 La bibliographie sur les portulans et les cartes marines mĂ©diĂ©vales a Ă©tĂ© notablement ... 1Les cartes marines, que l’on appelle aussi parfois des cartes portulans, sont emblĂ©matiques de l’expansion maritime europĂ©enne. DessinĂ©es sur des pièces de parchemin et parcourues par des lignes en Ă©toile, elles sont Ă©laborĂ©es et communĂ©ment utilisĂ©es Ă partir des xiie et xiiie siècles en Occident. D’abord centrĂ©es sur le bassin mĂ©diterranĂ©en et la mer Noire, elles s’étendent ensuite Ă d’autres espaces maritimes au xvie siècle1. 2Le dĂ©troit de Gibraltar, seuil d’une mer presque close, ouverture vers le grand large, est un des Ă©lĂ©ments structurants de ces cartes, dès l’origine, aussi bien sur le plan de la construction cartographique que sur le plan de la mise en scène gĂ©opolitique de l’espace. Ă€ vrai dire, ce passage entre deux mondes maritimes, perçu depuis l’AntiquitĂ© comme une porte, est en lui-mĂŞme formĂ© de plusieurs limites qui crĂ©ent un espace en soi, structurĂ© par des promontoires et des golfes. Ă€ l’ouest, du cĂ´tĂ© de l’ocĂ©an Atlantique, le dĂ©troit est dĂ©limitĂ© par le cap Trafalgar, en Espagne, et le cap Spartel au Maroc, sĂ©parĂ©s par environ 45 km ; Ă l’est, du cĂ´tĂ© de la MĂ©diterranĂ©e, se font face deux pointes, l’une en Europe le rocher de Gibraltar, l’autre près de Ceuta en Afrique Punta Almina, distantes d’une vingtaine de kilomètres. Le tout forme une sorte de quadrilatère irrĂ©gulier. Au nord-ouest, le dĂ©troit dĂ©bouche dans le golfe de Cadix, qui s’ouvre largement sur l’Atlantique, tandis qu’au nord-est, le golfe d’AlgĂ©siras sĂ©pare Tarifa de Gibraltar. Au sud, sur la cĂ´te marocaine, la baie de Tanger s’ouvre entre le cap Spartel et Ceuta. 2 Fidence de Padoue, Liber de recuperatione Terrae Sanctae, Paris, BnF, latin 7242, ... 3Au Moyen Ă‚ge, le dĂ©troit, dit de Gadès, d’Hercule ou du Maroc strictum Marochie2, est dĂ©jĂ une voie de passage frĂ©quentĂ©e par les bateaux de guerre et les navires de commerce. En tant que porte de la MĂ©diterranĂ©e et perçu comme une frontière, le dĂ©troit reçoit une attention particulière de la part des cartographes. Nous verrons que le dessin des cartes marines mĂ©diĂ©vales repose en grande partie sur la dĂ©termination de l’axe de la mer MĂ©diterranĂ©e de Gibraltar Ă Alexandrie. D’autre part, la toponymie et les conditions de navigation sont observĂ©es et rendues avec soin, dans les textes des portulans comme sur les cartes, et les rĂ©fĂ©rences Ă l’AntiquitĂ© sont effacĂ©es au profit d’un glossaire nautique mĂŞlant latin, arabe et langues romanes. Nous examinerons ces deux aspects en analysant enfin quelques exemples de la reprĂ©sentation politisĂ©e du dĂ©troit, du xve au xvie siècle. Le dĂ©troit dans la structuration des cartes de la MĂ©diterranĂ©e Nom dans les sources et dĂ©termination de sa forme et de ses limites 3 Le dĂ©troit ouvre sur l’ocĂ©an circulaire sur de nombreuses mappemondes mĂ©di ... 4Une première remarque concerne le nom mĂŞme du dĂ©troit de Gibraltar sur les cartes marines. Contrairement aux mappemondes schĂ©matiques du Moyen Ă‚ge oĂą le dĂ©troit est clairement reprĂ©sentĂ© et nommĂ©, suivant cela une tradition de l’AntiquitĂ© tardive liĂ©e Ă la glose des auteurs classiques, les portulans et les cartes marines mĂ©diĂ©vales ne soulignent pas nĂ©cessairement la valeur symbolique de ce seuil3. Le passage maritime entre la MĂ©diterranĂ©e et l’ocĂ©an Atlantique est certes reprĂ©sentĂ© sur la plupart des cartes marines mĂ©diĂ©vales, mais il ne reçoit pas de nom particulier. En revanche, la toponymie locale est particulièrement dĂ©taillĂ©e, et selon l’échelle et le cadrage de la carte, le cartographe accorde une place plus ou moins grande aux rivages qui entourent le passage Ă l’est ou Ă l’ouest. 4 Pujades i Bataller, 2013, pp. 17-25. 5 Berlin, Staatsbibliothek, Hamilton 396. Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, ainsi q ... 5On a longtemps considĂ©rĂ© la carte pisane comme la plus ancienne carte portulan connue, et de lĂ , comme l’archĂ©type des cartes marines qui devaient circuler en MĂ©diterranĂ©e occidentale Ă la fin du xiiie siècle4. Cette carte a la particularitĂ© d’être strictement limitĂ©e au bassin mĂ©diterranĂ©en et Ă la mer Noire cette dernière Ă©tant presque effacĂ©e Ă cause du mauvais Ă©tat du document. Le dĂ©troit de Gibraltar est, de la sorte, dessinĂ© Ă l’une des extrĂ©mitĂ©s du parchemin, et le dessin de la cĂ´te s’arrĂŞte peu après vers l’ouest. Par ailleurs, le Compasso da navigare, ce portulan dont le plus ancien manuscrit date de 1296, dĂ©crit les rivages de la MĂ©diterranĂ©e en commençant par le cap Saint-Vincent en portugais cabo de SĂŁo Vicente, dans la municipalitĂ© portugaise de Sagres, dans l’Algarve5. Ce cap est le point le plus au sud-ouest de l’Europe, l’un des lieux considĂ©rĂ©s au Moyen Ă‚ge comme l’extrĂ©mitĂ© de l’Europe occidentale. Le portulan, qui Ă©numère les toponymes de proche en proche dans le sens des aiguilles d’une montre, propose un parcours tout autour de la MĂ©diterranĂ©e et s’achève Ă l’ouest près de son point de dĂ©part, mais sur la rive africaine, au-delĂ de Ceuta. 6 Campbell, 1987 et Pujades i Bataller, 2007. Voir Ă©galement le recensement des cartes s ... 7 Gabriel de Vallseca, Majorque, 1447, BnF, CPL GE C-4607 RES ; Gabriel de Vallseca, 1 ... 8 Bouloux, 2002, pp. 249-254. 6Le recensement des cartes marines mĂ©diĂ©vales commencĂ© dans les annĂ©es 1980, les recueils illustrĂ©s et, dĂ©sormais, les archives numĂ©risĂ©es des bibliothèques permettent de consulter rapidement un bon nombre de reproductions de cartes marines mĂ©diĂ©vales6. On constate que la grande majoritĂ© des cartes marines de la mer MĂ©diterranĂ©e donnent Ă voir le dĂ©troit de Gibraltar, au moins jusqu’à son embouchure occidentale. Celles qui s’arrĂŞtent Ă cet endroit sont finalement plutĂ´t rares c’est le cas de la carte pisane et de certaines cartes de Gabriel de Vallseca, par exemple7. Les cartes marines de l’école catalane Dulcert/Dalorto, l’Atlas catalan, Soleri, Mecia de Viladestes sont au contraire largement ouvertes vers l’Atlantique, de manière Ă reprĂ©senter Ă©galement les Ă®les ocĂ©aniques et la cĂ´te africaine. La limite occidentale du monde connu n’est certainement pas le dĂ©troit de Gibraltar, mais plutĂ´t les Ă®les Canaries, colonisĂ©es depuis le xive siècle et identifiĂ©es aux Ă®les FortunĂ©es antiques8. Plus loin dans l’Atlantique, des Ă®les inconnues sont Ă©galement reprĂ©sentĂ©es et parfois nommĂ©es, invitation, par anticipation, aux voyages maritimes et aux explorations futures. 9 Grazioso Benincasa, 1466. Atlas de la MĂ©diterranĂ©e et Atlantiq ... 7L’étude de la composition d’un atlas de cartes marines de Grazioso Benincasa, typique de la production vĂ©nitienne de la deuxième moitiĂ© du xve siècle, permet de comprendre Ă quel point le dĂ©troit de Gibraltar est important dans la perception et l’organisation de l’espace mĂ©diterranĂ©en9 fig. 1. Le cartographe a choisi de rĂ©unir des cartes de portions de la MĂ©diterranĂ©e avec des orientations et des Ă©chelles diffĂ©rentes. Sur cinq cartes, trois reprĂ©sentent le dĂ©troit ; elles sont orientĂ©es soit vers l’ouest ce qui facilite la lecture des toponymes europĂ©ens et porte le regard vers l’Atlantique, soit vers le nord quand il s’agit d’illustrer la progression des connaissances gĂ©ographiques le long de la cĂ´te africaine dans les annĂ©es 1470. Fig. 1. — DĂ©tail du dĂ©troit de Gibraltar, Grazioso Benincasa, Atlas de la MĂ©diterranĂ©e et de l’Atlantique, 1466, feuille 3, MĂ©diterranĂ©e occidentale », Paris, BnF, CPL GE DD-2779 RES 10 Astengo, 2007. 8Ă€ la suite de ces atlas de la fin du xve siècle, au fur et Ă mesure de l’expansion ocĂ©anique europĂ©enne, l’échelle des cartes marines Ă©tendues, jusqu’à devenir des planisphères, se rĂ©duit ; et de mĂŞme, très souvent, le degrĂ© de dĂ©tail et le nombre des toponymes sont limitĂ©s Ă quelques-uns. Le dĂ©troit reste nĂ©anmoins important et tient la comparaison avec d’autres grands passages stratĂ©giques du monde le cap de Bonne-EspĂ©rance, le dĂ©troit de Magellan, le dĂ©troit de la Sonde. En parallèle, il existe Ă©galement au xvie siècle des cartes marines rĂ©gionales très dĂ©taillĂ©es et des Ă©coles cartographiques mĂ©diterranĂ©ennes qui continuent Ă mettre en valeur le dĂ©troit comme passage vers les autres parties du globe10. L’axe Gibraltar-Alexandrie 11 Id., 2005, p. 24. 9Le dĂ©troit de Gibraltar est structurant, non pas seulement parce qu’il limite la mer MĂ©diterranĂ©e et ouvre vers l’ocĂ©an, mais aussi parce qu’il participe Ă la composition des cartes marines, reconnaissables Ă ces lignes de vents qui rayonnent Ă partir de points gĂ©omĂ©triques. Plusieurs tentatives ont Ă©tĂ© faites pour identifier le mode de construction de ces cartes les lignes viendraient-elles avant ou après le dessin des cĂ´tes11 ? Le cartographe recopie souvent des modèles avec un système de calques ou Ă main levĂ©e et adapte l’échelle de la carte Ă la taille du parchemin disponible. Mise Ă part une hypothĂ©tique utilisation en mer de ces lignes de vents pour orienter le navire ou calculer des distances, le canevas, me semble-t-il, sert surtout Ă centrer le dessin cartographique sur des rĂ©gions jugĂ©es importantes et Ă situer les rĂ©gions les unes par rapport aux autres en fonction de la rose des vents. 12 Id., 1995 et 2005, p. 29. 10De ce strict point de vue graphique, la place du dĂ©troit de Gibraltar par rapport Ă ce rĂ©seau de lignes des vents revĂŞt une importance particulière. En effet, les cartes portulans prĂ©sentent une torsion de l’axe de la MĂ©diterranĂ©e d’environ dix degrĂ©s vers le nord. De la sorte, le dĂ©troit est reprĂ©sentĂ© Ă la mĂŞme latitude qu’Alexandrie, alors qu’il est en rĂ©alitĂ© Ă la latitude de Chypre. Cette construction cartographique s’observe sur les plus anciens exemplaires conservĂ©s et se maintient très longtemps pendant le xvie siècle, comme une tradition de reprĂ©sentation propre Ă ce genre cartographique. L’explication donnĂ©e habituellement est que les cartographes se servent du nord magnĂ©tique, indiquĂ© par la boussole, comme nord de rĂ©fĂ©rence de la carte. La diffĂ©rence d’une dizaine de degrĂ©s entre le pĂ´le et le nord magnĂ©tique provoque cette distorsion, due non pas Ă une erreur, mais Ă une rĂ©fĂ©rence et Ă un système de construction diffĂ©rents de celui des cartes actuelles, qui ont le pĂ´le Nord comme rĂ©fĂ©rent et utilisent la projection de Mercator12. 13 Petrus Vesconte, GĂŞnes, 1313, BnF, CPL GE DD-687 RES Recueil de six ca ... 11Certaines cartes marines mĂ©diĂ©vales, mais elles sont rares, montrent la ligne ouest-est passant par le dĂ©troit Vesconte, 1313 il s’agit de l’une des lignes de construction et cela n’est possible que parce que le point d’intersection de lignes de vents ou point nodal se trouve dans l’axe du dĂ©troit. Quelques cartographes soulignent l’importance du dĂ©troit en le choisissant comme le centre d’un rĂ©seau de lignes, mais ce n’est pas systĂ©matique13. Le dĂ©troit de Gibraltar pour les navires de l’Atlantique 12Un autre aspect du caractère structurant du dĂ©troit de Gibraltar pour la cartographie est la symĂ©trie opĂ©rĂ©e frĂ©quemment dans les sources avec les dĂ©troits de la mer Noire, Ă l’autre extrĂ©mitĂ© de la MĂ©diterranĂ©e. Les commentateurs mĂ©diĂ©vaux n’ont pas manquĂ© de relever les points communs entre ces deux portes maritimes, caractĂ©risĂ©es par des promontoires rocheux face Ă face, et sĂ©parant deux continents. Un passage du portulan intitulĂ© le De viis maris souligne ainsi 14 De viis maris, Ă©d. de Gautier DalchĂ©, p. 194 Quia sciendum est quod du ... Il faut savoir qu’il existe deux entrĂ©es dans la mer MĂ©diterranĂ©e, dont l’une est au dĂ©troit d’Afrique, l’autre près de Constantinople et s’appelle le bras Saint-Georges. Or pour ceux qui veulent aller par mer en Terre de promission, il convient d’entrer par le premier de ces accès et de passer par les ports qui se trouvent entre les deux14. 13Le rĂ©dacteur du De viis maris, selon l’analyse de P. Gautier DalchĂ©, est un clerc anglais accompagnant la troisième croisade Roger de Howden au xiie siècle. Selon son point de vue, qui Ă©tait celui des croisĂ©s anglais et avant eux celui des aventuriers normands du xie siècle, le chemin vers la Terre sainte passait nĂ©cessairement par le dĂ©troit de Gibraltar ; puis on gagnait le Proche-Orient par cabotage d’ouest en est, comme si Gibraltar et Constantinople Ă©taient situĂ©es Ă peu près sur une mĂŞme ligne reliĂ©e par des Ă©tapes maritimes. Il s’agit lĂ exactement de la logique de composition du portulan, tel qu’il est rĂ©digĂ© dans la suite du document. L’auteur ou plutĂ´t le compilateur n’envisage Ă aucun moment une traversĂ©e en droiture, mais la reprĂ©sentation de la MĂ©diterranĂ©e qui ressort de ce passage est celle d’un axe maritime bornĂ© Ă l’ouest par le dĂ©troit de Gibraltar, Ă l’est par le Bosphore. 14Le dĂ©troit de Gibraltar est non seulement l’entrĂ©e de la MĂ©diterranĂ©e pour les navires de guerre, mais aussi le passage obligĂ© de galĂ©es mĂ©diterranĂ©ennes qui alimentent le marchĂ© de la mer du Nord Ă l’aller et au retour. Cette route des Flandres rendue Ă©vidente sur une carte de navigation, est Ă©voquĂ©e ainsi au cours d’un procès au sujet du paiement d’une taxe due pour le passage entre l’île d’Ibiza et la cĂ´te ibĂ©rique. Le document est un ensemble de pièces relatives au contentieux entre Giovanni Rosso, un VĂ©nitien propriĂ©taire d’un bateau amarrĂ© au port de Portopin et qui revient de Flandre, et le collecteur de la lleuda taxe de fret Ă Tortosa, en 1418. Afin de prouver que la taxe ne les concerne pas, le juriste Arnaud de Mure et le consul vĂ©nitien de Majorque, Nicolas de Pax, prĂ©sentent Ă la cour de justice une carte nautique. Ă€ l’aide d’un compas, ils montrent sur la carte le trajet suivi Ă l’aller par le navire pour se rendre en mer du Nord par le dĂ©troit de Gibraltar ; le navire est passĂ© très loin au sud de Majorque et ne peut donc pas ĂŞtre soumis Ă la taxe de Tortosa. 15 Aujourd’hui Portopi, quartier du port Ă Palma de Majorque. 16 Palma de Majorque, Arxiu del Regne de Mallorca, A. J. 474, fo 129ro-vo Cumque posi ... Une fois posĂ© le fait que ladite nef maintenant amarrĂ©e devant le port de Portopin15, doit aller et naviguer vers les parties de Flandres, c’est-Ă -dire les parties du ponant, elle peut naviguer en mer Ă distance du dit dĂ©troit desdites Ă®les et de la terre de Catalogne. Le vĂ©nĂ©rable Arnaud, pour prouver ce qu’il disait, dĂ©signa sur une carte de navigation, qu’il montra ici et dĂ©ploya, et signala avec un compas, l’arrivĂ©e par la mer de Provence et le parcours par mer de ladite nef16. 15Ce texte dĂ©montre Ă quel point la carte marine Ă©tait jugĂ©e fiable, puisqu’elle sert de preuve dans un procès. Il rappelle Ă©galement le rĂ´le des cartes comme moyen de repĂ©rage et comme enregistrement, et sans doute enseignement des routes commerciales. Les deux rives du dĂ©troit Étude de la toponymie l’aide des portulans textuels 16L’étude dĂ©taillĂ©e de la toponymie du dĂ©troit sur les cartes marines rĂ©vèle la densitĂ© des noms et le soin apportĂ© au dessin de la cĂ´te, en particulier les promontoires, dont les contours sont agrandis par rapport Ă l’échelle de la carte. En parallèle, les portulans textuels aident au dĂ©chiffrage de ces noms de lieu. On constate que certains toponymes citĂ©s, soit dans les portulans soit sur les cartes, ne sont pas des ports de mer. Par exemple, SĂ©ville et Cordoue sont mentionnĂ©es et reprĂ©sentĂ©es comme s’il s’agissait des Ă©tapes de cet itinĂ©raire de cabotage ; mais elles sont en fait mentionnĂ©es en tant qu’escales obligatoires pour le commerce. L’auteur du De viis maris est particulièrement sensible Ă cet arrière-plan des capitales rĂ©gionales, qu’elles soient ou non au bord de la mer 17 De viis maris, § 4 Deinde in eadem terra Sarracenica est bonus portus Sibille qui ... Ensuite, dans cette mĂŞme terre des Sarrazins il y a le bon port de SĂ©ville, qu’on appelle Godelkivir ou Udelkebir. En remontant ce fleuve on va Ă la citĂ© de Cordoue, dans laquelle est nĂ© Lucain17. 18 Villaverde Vega, 2001, carte p. 196. 19 De viis maris, § 6 Et est sciendum quod ex utraque parte districtarum Affrice est ... 20 Ibid., voir le commentaire prudent de Gautier DalchĂ© dans son Ă©dition, p. 266 Beck ... 17Elles sont plus ou moins mises en valeur sur les cartes marines, avec une attention portĂ©e Ă la situation d’hinterland au fond d’un estuaire ou sur une colline, et parfois signalĂ©es par des vignettes urbaines. Les toponymes fournis par le rĂ©dacteur du De viis maris mĂ©langent quelques rĂ©fĂ©rences antiques Calpes », Athlas » viennent probablement de la Pharsale de Lucain, citĂ© prĂ©cĂ©demment avec des noms vernaculaires retranscrits phonĂ©tiquement, oĂą se mĂ©langent le latin et l’arabe. P. Gautier DalchĂ©, dans son Ă©dition, ne les a pas tous commentĂ©s ; nous proposons ici quelques identifications par recoupement avec d’autres sources18 Sparte » pour le cap Spartel, Tange », Cacerium » pour l’Alcazar, Muee » ailleurs Mucemuthe, Mulemuda, Monzema pour Qaṣr MasmĹ«da aujourd’hui Qaṣr al-Saġir, Scep » pour Ceuta, Boloo » pour le cap Belona ou Belyounech, et Ieziratarif », mot rĂ©unissant AlgĂ©siras et Tarifa19. Les deux citĂ©s et châteaux », nommĂ©s Becke et Tele sur la cĂ´te espagnole, et Swell » pourraient provenir aussi de la dĂ©formation de toponymes arabes20. 21 Voir la notice rĂ©digĂ©e par Marie-Pierre Laffitte dans le catalogue [disponible en ... 18L’association matĂ©rielle des portulans textuels et des cartes marines est nĂ©anmoins relativement rare dans la documentation dont nous disposons. Un manuscrit mĂ©connu de la Bibliothèque nationale de France contient ainsi, de manière exceptionnelle, une traduction librement adaptĂ©e en français, datĂ©e d’environ 1510, du Compasso da navigare, illustrĂ©e de cartes enluminĂ©es très fines21 fig. 2a et 2b. L’ouvrage combine les avantages de la description gĂ©ographique assortie de directions, de chiffres et d’indications nautiques, avec une reprĂ©sentation des contours des cĂ´tes et de la position relative des ports et lieux gĂ©ographiques les uns par rapport aux autres. Comme dans le Compasso da navigare, la description de la MĂ©diterranĂ©e commence en Espagne, se dĂ©roule d’ouest en est et s’achève au Maroc. Le dĂ©troit de Gibraltar est donc dĂ©crit d’abord au folio 3 pour la cĂ´te espagnole, puis aux folios 68vo-69ro pour la cĂ´te africaine. Sur ces cartes encadrĂ©es, orientĂ©es vers le nord et entourĂ©es des directions de la rose des vents, figurent les portions de cĂ´tes correspondantes, montrent les rivages face Ă face et permettent de visualiser les distances relatives d’un port Ă l’autre. De prĂ©cieuses indications de distances sont donnĂ©es au dĂ©but et Ă la fin du texte entre les deux rives du dĂ©troit, ainsi que des aspects du paysage utiles au navigateur Ă®le, chenal, montagne ou cap, port, forteresse. 19Ainsi, au dĂ©but du portulan, consacrĂ© Ă la cĂ´te espagnole, les noms de lieux citĂ©s et les chiffres correspondent Ă l’île de Cadix, identifiĂ©e avec l’antique Gadès/Gadira, Trafalgar, puis la distance entre Trafalgar et Ceuta Septe qui est du cĂ´tĂ© d’Afrique », puis Tarifa, le golfe d’AlgĂ©siras et le mont de Gibraltar, la distance Gibraltar/Ceuta, puis Estepona et Marbella. De la dicte seche qui est une petite isle a l’isle de Cadis qui anciennement estoit appellee Gadira a XX mile par siroc. En ladite isle a bon port lequel est au-devant de la cite de Gadira laquelle est deffaicte cest assavoir devers tramontane. Et la y a fons de six pas. Et sachez que depuis ledit port iusques a la poincte de lisle devers couchant a fons de VIII piez par canal. Dudit Cadis a Trafigara a XXX mile par siroc. Par-dessus ladicte Trafigara VII mile en mer par libech a une seche et poues passer entre la dicte seche ou la terre ou par dehors comme lon veult. De Trafigara a Septe qui est du couste d’Afrique a LX mile par siroc. De Trafigara a Tariffe a XXX mile par siroc. De Tariffe au chef d’Alzasire du cadre a V mile par levant lisle est par-dessus la ville en mer VII mile et demy et y a bon port de la part de la ville. Et VIII pas de fons du chef de levant a une seche loing du prouis qui se destent devers grec et fait port au devant de ladicte isle. De ladicte isle au mont de Gibelterre a VIII mile par siroc vers levant au devant du chasteau a bon port et fons de VIII pas. Et audit mont vers terre ferme tirant vers Alzasire a V mile ou il y a une gueule de fons plain de VII pas. Et la seurte en est bonne ledit mont se monstre forchu par le devant. Fig. 2a. — Description des cĂ´tes, des Ă®les et des ports de l’ocĂ©an Atlantique et de la mer MĂ©diterranĂ©e, vers 1500, Paris, BnF, ms. Français 2794, fo 3ro 22 BnF, ms. Français 2794, fo 3ro-vo. Audit mont de Gibelterre a Septe a XXX mile par midy vers siroc. Dudit mont iusques a Stopena a XX mile par grec vers tramontane et en ladicte Stopena y a une seche V mile en mer qui s’apelle Bequarde. De Stopena a Marbelle a XIII mile par grec22. Fig. 2b. — Description des cĂ´tes, des Ă®les et des ports de l’ocĂ©an Atlantique et de la mer MĂ©diterranĂ©e, vers 1500, Paris, BnF, ms. Français 2794, fo 3vo © Bibliothèque nationale de France 23 Selon Motzo, dans son Ă©dition de Il Compasso da navigare, pp. cxxv-cxxvii. La valeur du ... 24 Une approche intĂ©ressante de modĂ©lisation des parcours maritimes anciens e ... 25 Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, p. 4, n. 1. 20Comme dans le Compasso da navigare, traduit et adaptĂ© en français, la description procède de place en place, en donnant la direction d’un lieu Ă l’autre en fonction de la rose des vents des marins, comportant huit vents » principaux Tramontane, Grec, Levant, Siroc, Midy, Libech, Ponant, Mestral. Ces vents ne sont pas ceux qui soufflent dans les voiles, mais bien les caps vers lesquels doit se diriger le navire. Une reconstitution des distances rĂ©elles en kilomètres sur une carte actuelle calculĂ©e par le système d’information gĂ©ographique SIG permet d’évaluer rapidement la cohĂ©rence globale de ces distances et de ces orientations, mĂŞme si dans le dĂ©tail de nombreuses distorsions apparaissent carte. Si l’on prend la valeur du mille de 1 230 m, admise par B. R. Motzo pour les portulans mĂ©diĂ©vaux, la distance de traversĂ©e entre Trafalgar et Ceuta est remarquablement exacte ; pour les autres mesures, la valeur du mille oscille entre 1,2 et 1,5 km23, avec de nombreuses incohĂ©rences. Par exemple, la distance Gibraltar-Ceuta est donnĂ©e comme Ă©quivalente Ă Trafalgar-Tarifa. On imagine aisĂ©ment deux raisons au moins de ces erreurs d’abord la manière de relever les distances, puis les erreurs de transmission de ces donnĂ©es. D’une part, sur de si petites distances, les marges d’erreur sont grandes selon l’endroit exact qui sert Ă la mesure Gibraltar » dĂ©signe-t-il la pĂ©ninsule ou le rocher Ă son extrĂ©mitĂ© ? ; selon que ces distances sont calculĂ©es Ă vol d’oiseau, par visĂ©es et triangulations, ou au contraire tiennent compte des alĂ©as du parcours lorsque le navire contourne le rivage24 ; ou encore si ces distances viennent d’observations de terrain ou bien sont calculĂ©es d’après une carte, dĂ©jĂ susceptible d’approximations et de dĂ©formations. D’autre part, la copie des manuscrits entraĂ®ne souvent des erreurs, en particulier lorsqu’il s’agit de recopier des chiffres. Le Compasso da navigare comprend parfois des variantes dans les distances, notĂ©es par l’éditeur25. Carte des distances maritimes entre les principaux ports du dĂ©troit DAO D. Gherdevich. © Esri, DeLorme, HERE Tableau des directions et des distances entre les ports du dĂ©troit de Gibraltar, d’après le ms. Français 2794 Lieux Directions Distances de dĂ©part d’arrivĂ©e sur la rose des vents actuelles en milles en km 1 mille = 1 230 m navigables en km Cadix Trafalgar Siroc SE 30 36 47 Trafalgar Ceuta Siroc SE 60 73 74 Trafalgar Tarifa Siroc SE 30 36 42 Tarifa ĂŽle d’AlgĂ©siras ? Levant E 5 6, 15 27 AlgĂ©siras Mont de Gibraltar Siroc SE 8 9, 8 9 Mont de Gibraltar Ceuta Midi vers siroc SSE 30 36 25 Mont de Gibraltar Estepona Grec vers tramontane NNE 20 24,6 38 Estepona Marbella Grec NE 13 15,9 25 26 BnF, ms. Français 2794, fo 68vo De Monzema a la citĂ© de Septe a CL mile par ponant ... 27 Cette section est une traduction librement adaptĂ©e et enrichie du Liber insularum Arch ... 28 Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, pp. 78-79 Lo compli ... 29 Le manuscrit a Ă©tĂ© offert Ă François d’AngoulĂŞme, futur François Ier, dont on voit le ... 21Soulignons enfin que le portulan français ne suit pas exactement le texte italien du Compasso da navigare l’original est en effet beaucoup plus prĂ©cis pour les indications d’orientations et mentionne en outre des bancs de sable et des chiffres de profondeurs. Par ailleurs, la composition du texte n’est pas strictement identique. Dans le portulan français, le tour de la MĂ©diterranĂ©e s’achève Ă Ceuta fig. 3. La description finit par la mention des deux promontoires qui entourent le port de Ceuta la Punta Almina et Belonas » Punta Belona, Belyounech26. Au recto du folio 69, la description reprend pour quelques lignes Ă partir de l’Espagne, au nord-est de Gibraltar, entre le chef de Paulx » le cap Palo, près de Carthagène et une sĂ©rie de ports du Maghreb Alger, Oran, Tanger. Puis le portulan proprement dit s’achève et le manuscrit s’enchaĂ®ne sur une nouvelle section consacrĂ©e Ă la description des Ă®les27. La comparaison entre ce texte français et l’original italien permet de comprendre que le paragraphe sur le cap Palo est un vestige d’une partie entière du Compasso da navigare, un complĂ©ment » consacrĂ© aux traversĂ©es en droiture, d’un rivage Ă l’autre de la MĂ©diterranĂ©e28. Le traducteur a ainsi simplifiĂ© les informations trop techniques, sans doute parce que le luxueux manuscrit Français 2794 n’est pas un ouvrage destinĂ© Ă la pratique, mais un atlas gĂ©ographique d’une bibliothèque de cour29. Une partie de la cohĂ©rence de l’œuvre originale en italien y a Ă©tĂ© perdue. Fig. 3. — Description des cĂ´tes, des Ă®les et des ports de l’ocĂ©an Atlantique et de la mer MĂ©diterranĂ©e, vers 1500, Paris, BnF, ms. Français 2794, fo 68vo © Bibliothèque nationale de France Une topographie et une hydrographie prĂ©cises 22Les portulans textuels ne se contentent pas d’énumĂ©rer les toponymes cĂ´tiers ils fournissent Ă©galement des informations pertinentes sur les conditions de navigation, particulièrement difficiles dans le dĂ©troit de Gibraltar. On trouve frĂ©quemment des indications chiffrĂ©es sur les profondeurs il y a fonds de six pas » et sur la localisation des rĂ©cifs et bancs de sable, appelĂ©s secca » ou sèche » dans le Compasso da navigare et sa traduction française. Certains de ces hauts-fonds portent un nom […] Ă Estepona y a une sèche Ă cinq milles en mer qui s’appelle Bequarde ». 30 Il est donc possible que la description du courant dans le dĂ©troit corresp ... 23Plus rare est la mention des courants dans le dĂ©troit. En effet, le courant dominant entraĂ®ne les eaux de l’Atlantique d’ouest en est vers la MĂ©diterranĂ©e Ă cause de l’évaporation importante de l’eau de la mer fermĂ©e ; mais il existe Ă©galement un courant en sens inverse, plus profond. Ces courants marins opposĂ©s s’y rencontrent, crĂ©ant des turbulences qui rendent la navigation dangereuse. Ă€ cela s’ajoute le phĂ©nomène des marĂ©es ocĂ©aniques, perceptibles au moins jusqu’au golfe d’AlgĂ©siras, ainsi que des vents violents. Le texte du De viis maris fait remarquer ce phĂ©nomène, et cependant souligne le courant inverse, celui qui va de la MĂ©diterranĂ©e vers l’Atlantique30. Les vents d’ouest poussent en revanche le bateau vers l’intĂ©rieur du passage. Pour Ă©viter les turbulences provoquĂ©es par les courants contraires, le navire doit garder son cap sans s’approcher trop du rivage. 31 De viis maris, § 5, p. 195 Et est notandum quod ad introitum districtarum Affrice ... Il faut noter qu’à l’entrĂ©e du dĂ©troit d’Afrique, le courant est si fort que, si la force du vent n’est pas plus forte encore pour repousser ce courant, celui-ci empĂŞchera l’entrĂ©e du navire. Mais lorsque le navire sera entrĂ© dans le dĂ©troit d’Afrique, il ne dĂ©viera ni vers la droite ni vers la gauche, mais devra aller tout droit avec beaucoup de prĂ©cautions jusqu’à ce qu’il ait parcouru une distance de 10 milles selon l’estimation des marins, et ensuite il doit se diriger vers la gauche par rapport au navire [Ă bâbord] et tenir son cap près de l’Espagne et les territoires voisins, jusqu’à atteindre Marseille31. 24Les cartes marines localisent les bancs de sable et les hauts-fonds par un système de points rouges et de croix ; c’est une convention dĂ©jĂ prĂ©sente sur les cartes de Pietro Vesconte au dĂ©but du xive siècle et elle est conservĂ©e pour la cartographie maritime au-delĂ du xviiie siècle. En revanche, on ne trouve pas d’équivalent graphique des indications concernant les courants et les vents de tels signes apparaissent très tard, avec les chiffres des profondeurs, Ă la fin du xviie siècle. L’iconographie du dĂ©troit une frontière maritime 25Les exemples prĂ©sentĂ©s jusqu’ici soulignent la position du dĂ©troit comme seuil maritime entre l’ocĂ©an et la mer ; mais le passage est Ă©galement cartographiĂ© comme une frontière entre deux espaces terrestres, l’Espagne et le Maroc, et plus largement, deux parties du monde, l’Europe et l’Afrique. Les dimensions historiques, politiques, religieuses de cette frontière, ne sont pas oubliĂ©es. Dans le De viis maris, Ă©crit Ă l’époque des croisades, l’opposition entre deux ensembles gĂ©opolitiques affrontĂ©s est clairement soulignĂ©e 32 Ibid., § 6 Et est sciendum quod ab introitu districtarum Affrice usque ... Et il faut savoir que depuis l’entrĂ©e du dĂ©troit d’Afrique jusqu’à Ascalon, qui est près de JĂ©rusalem, toute la terre des paĂŻens se trouve Ă la droite du navire [Ă tribord], et Ă l’opposĂ©, depuis l’entrĂ©e du dĂ©troit d’Afrique jusqu’au grand mont appelĂ© Muscian, c’est l’Espagne sarrazine. Et Ă cĂ´tĂ© d’elle se trouve la voie de ceux qui vont en pèlerinage en terre de JĂ©rusalem. Et depuis le mont que l’on appelle Muscian jusqu’à Ascalon, Ă la gauche du navire [Ă bâbord] presque toute la terre est terre des chrĂ©tiens32. 26Du point de vue des paysages reprĂ©sentĂ©s sur les cartes les plus ornementales, l’opposition gĂ©ographique entre l’Europe et l’Afrique est soulignĂ©e par quelques vignettes Ă l’intĂ©rieur des terres les pavillons hĂ©raldiques, les personnages, les animaux exotiques en Afrique, participent de cette diffĂ©renciation des rivages europĂ©ens et africains. Sur certaines cartes, le peintre a reprĂ©sentĂ© quelques montagnes notamment Grenade et fleuves le Guadalquivir, en revanche le mont de Gibraltar, la plupart du temps, n’est pas caractĂ©risĂ© visuellement comme une montagne, mais seulement comme un cap ou promontoire. 33 BnF, ms. Français 2794, f° 2vo ; Il Compasso da navigare, Ă©d. ... 27Dans le manuscrit Français 2794 de la Bibliothèque nationale de France, un portulan Ă l’iconographie exceptionnelle, le peintre a choisi de reprĂ©senter le passage en accentuant les promontoires et les golfes dĂ©crits dans le texte. Le dĂ©troit apparaĂ®t ainsi comme une succession de caps sĂ©parĂ©s par des anses semi-circulaires. Selon la tradition, rĂ©cifs et Ă®lots sont mis en Ă©vidence par des croix et des points rouges autour de l’île de Cadix ; mais les hauts-fonds mentionnĂ©s sont loin d’être tous reprĂ©sentĂ©s. Le mont de Gibraltar est figurĂ© comme un rocher, surmontĂ© d’une citadelle aux toits pointus et crĂ©nelĂ©s. Le cap est figurĂ© avec trois pointes, comme une fourche, conformĂ©ment Ă la description qui se trouve dĂ©jĂ dans le Compasso da navigare ledit mont se monstre forchu par devant33 ». Les vaguelettes sont plus dĂ©coratives que descriptives, mais peuvent Ă la rigueur Ă©voquer les forts courants maritimes. Le peintre a aussi reprĂ©sentĂ© des navires, l’un au port, l’autre doublant un cap vers la MĂ©diterranĂ©e. Par ailleurs, mais de manière pas toujours cohĂ©rente, l’enlumineur a pris le parti de figurer diffĂ©remment les villes chrĂ©tiennes de style gothique et les villes de terres musulmanes avec des coupoles et des bulbes. Il adapte en cela une tradition qui remonte aux cartes catalanes du xive siècle. Bien-sĂ»r, mĂŞme au dĂ©but du xvie siècle, cette distinction ne recoupe qu’imparfaitement la frontière gĂ©ographique du dĂ©troit, et l’on se souvient que l’Espagne du sud est terre musulmane autour de Grenade jusqu’en 1492. C’est peut-ĂŞtre pour cela que Carthagène, au folio 69, est dessinĂ©e avec des toits en coupoles, rappelant l’architecture orientale. 34 La Roncière, Mollat du Jourdin Ă©d., 1984, no 68, ... 28Cette iconographie politisĂ©e, avec personnages et Ă©tendards, n’est pas limitĂ©e aux cartes mĂ©diĂ©vales ; elle a au contraire tendance Ă s’accentuer dans la production mĂ©diterranĂ©enne très ornementale des xvie et xviie siècles. Les cartes montrent alors les enjeux d’une Reconquista ibĂ©rique qui a franchi le dĂ©troit vers le sud. Par exemple, l’atlas de Diogo Homem de 1559 montre les bannières de Castille et du Portugal sur la rive africaine Ă cĂ´tĂ© d’un Ă©tendard au croissant. Au contraire, Giacomo de Maggiolo au xvie siècle oppose terme Ă terme un Maghreb musulman et ottoman Ă une Europe très romaine. La mise en scène d’une opposition politique et militaire entre les deux rives est enfin renforcĂ©e de manière spectaculaire au xviie siècle sur les cartes de Francesco Oliva le sabre contre l’épĂ©e, 1603 et Augustin Roussin 163334. 29Contrairement Ă d’autres lieux communs de la gĂ©ographie antique et biblique, l’on constate que le mythe des colonnes d’Hercule ne fait pas partie de l’iconographie des cartes marines mĂ©diĂ©vales, mĂŞme ornementales, et qu’il n’est pas Ă©voquĂ© non plus dans les portulans textuels. Si la toponymie romaine est parfois prĂ©sente Gadès, Calpe, Athlas, l’attention aux noms de lieux en langues vernaculaires est bien plus importante. Il est manifeste que le dĂ©troit de Gibraltar a très tĂ´t attirĂ© l’attention des auteurs de recueils d’instructions nautiques et de cartes marines, parce qu’il est le lieu de passage obligĂ© des navires entre l’ocĂ©an atlantique et la MĂ©diterranĂ©e et parce que la navigation y est particulièrement difficile. Cet endroit est conçu d’ailleurs comme un axe structurant des cartes, au mĂŞme titre que les dĂ©troits de la mer Noire Ă l’autre extrĂ©mitĂ© de la MĂ©diterranĂ©e. La toponymie, les distances, les courants, les ports et les rivages sont dĂ©crits avec soin ; les deux rives du dĂ©troit orientations des ports en vis-Ă -vis, distances de traversĂ©es sont mises en Ă©troite relation l’une avec l’autre. Comme souvent sur ce type de documents, l’échelle de la carte est par ailleurs lĂ©gèrement modifiĂ©e localement pour permettre d’accentuer les reliefs et les dangers de la navigation ; la forme des promontoires et des golfes est cependant simplifiĂ©e, stĂ©rĂ©otypĂ©e, pour une reprĂ©sentation plus pĂ©dagogique que vĂ©ritablement rĂ©aliste des lieux. 30La reprĂ©sentation du rocher de Gibraltar et de sa forteresse, comme dans le beau portulan illustrĂ© de la Bibliothèque nationale de France, est exceptionnelle. L’iconographie des cartes, par un jeu de vignettes et d’emblèmes, met le plus souvent l’accent sur la frontière politique et religieuse, toute relative d’ailleurs, que constitue le dĂ©troit entre une Europe globalement chrĂ©tienne et l’Afrique du Nord musulmane. Les cartes marines mĂ©diterranĂ©ennes de l’époque moderne, plus volontiers ornementales, reprennent et amplifient ces lieux communs de la cartographie mĂ©diĂ©vale, Ă destination d’un public cultivĂ©. Notes 1 La bibliographie sur les portulans et les cartes marines mĂ©diĂ©vales a Ă©tĂ© notablement enrichie depuis le catalogue de La Roncière, Mollat du Jourdin Ă©d., 1984. On peut y ajouter Campbell, 1987 ; Gautier DalchĂ©, 1995 ; Pujades i Bataller, 2007 ; Hofmann, Richard, Vagnon Ă©d., 2012 ; Vagnon, Hofmann Ă©d., 2013. 2 Fidence de Padoue, Liber de recuperatione Terrae Sanctae, Paris, BnF, latin 7242, fo 123 situs Marochii ». 3 Le dĂ©troit ouvre sur l’ocĂ©an circulaire sur de nombreuses mappemondes mĂ©diĂ©vales, en particulier mais pas seulement les mappemondes liĂ©es aux commentaires de La Guerre de Jugurtha de Salluste et de la Pharsale de Lucain. Les trois principaux noms antiques mis en valeur sur ces schĂ©mas sont Gades, et les deux promontoires Calpe et Athlas. On trouvera de nombreux exemples illustrĂ©s dans Destombes Ă©d., Mappemondes, A. D. 1200-1500 ; Chekin, 2006. Sur la glose cartographique des auteurs classiques, voir Gautier DalchĂ©, 1994. 4 Pujades i Bataller, 2013, pp. 17-25. 5 Berlin, Staatsbibliothek, Hamilton 396. Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, ainsi que l’édition revue et commentĂ©e par Debanne ; sur les plus anciens exemplaires de portulans, Gautier DalchĂ©, 1995. 6 Campbell, 1987 et Pujades i Bataller, 2007. Voir Ă©galement le recensement des cartes sur le site internet rĂ©digĂ© par T. Campbell, [disponible en ligne] ; les cartes portulans de la Bibliothèque nationale de France ont Ă©tĂ© numĂ©risĂ©es et sont visibles sur Gallica, [disponible en ligne]. 7 Gabriel de Vallseca, Majorque, 1447, BnF, CPL GE C-4607 RES ; Gabriel de Vallseca, 1449, Archivio di Stato di Firenze, CN 22 ; Pere Rossell, 1449, Karlsruhe, Badische Landesbibliothek, S. 6 Pujades i Bataller, 2007, cartes 47 et 48. 8 Bouloux, 2002, pp. 249-254. 9 Grazioso Benincasa, 1466. Atlas de la MĂ©diterranĂ©e et Atlantique, [disponible en ligne]. 10 Astengo, 2007. 11 Id., 2005, p. 24. 12 Id., 1995 et 2005, p. 29. 13 Petrus Vesconte, GĂŞnes, 1313, BnF, CPL GE DD-687 RES Recueil de six cartes, manuscrit enluminĂ© sur vĂ©lin, Ă©chelles diverses, 48 x 40 cm chacune. D’après les remarques de Pujades i Bataller, 2007, p. 475, cet axe occident-orient principal, qu’il appelle diaphragm line », se situe le plus souvent Ă la latitude de Barcelone. 14 De viis maris, Ă©d. de Gautier DalchĂ©, p. 194 Quia sciendum est quod duo introitus sunt in mari illo Mediterraneo, quorum unus est ad districtas Affrice, alter apud Constantinopolim qui dicitur brachium Sancti Georgii. Qui autem per mare in terram promissionis ire volunt, per unum istorum aditum vel per portus qui inter illos duos sunt intrare oportet. » 15 Aujourd’hui Portopi, quartier du port Ă Palma de Majorque. 16 Palma de Majorque, Arxiu del Regne de Mallorca, A. J. 474, fo 129ro-vo Cumque posito quod dicta navis nunc existens ante portum de Portopino habeat accedere et navigare ad partes Flandiarum sive ad partes de ponent, illa poteste navigare per maria distancia a dicto transitu dictarum insularum et terram Catalonie. Fundante hoc dicto venerabili Arnaldo cum quadam carta de navegar ibi hostensa et per eum patefacta, et cum quodam compĂ s signata designando maria Probencia [sic] » trad. et com. dans Vagnon, 2013, pp. 495-499. 17 De viis maris, § 4 Deinde in eadem terra Sarracenica est bonus portus Sibille qui dicitur Godelkevir, vel Udelkebir. In ascendendo superius per eundem fluvium itur ad Cordebam civitatem in qua Lucanus natus fuit. » 18 Villaverde Vega, 2001, carte p. 196. 19 De viis maris, § 6 Et est sciendum quod ex utraque parte districtarum Affrice est mons magnus, scilicet unus in Hyspania qui dicitur Calpes et alter in Affrica ex opposito qui dicitur Athlas. Et ad introitum districtarum Affrice sunt in Affrica secus mare civitates quarum nomina hec sunt Sparte, Tange, Cacerium, Muee, Boloos, Scep, que est una de nobilissimis civitatibus Affrice. Et in Hyspania, quasi ex opposito, sunt civitates et castella quarum nomina hec sunt Becke et Tele, hec villa est ad introitum districtarum in Hyspania, et Dudemarebait, Ieziratarif, Gezehakarera et Iubaltarie insula mons magnus, Mertell, Swell castellum Maurorum . [§7] Ad pedem insule Iubaltarie sunt due nobiles civitates site quarum una dicitur Alencia et altera Iuballarie et ibi est portus bonus et copia galearum. Et ibi incipit latitudo maris, ita quod vix potest videri ab una ripa in alteram, et quanto plus progreditur, tanto est mare latius. Deinde est castellum in monte situm quod dicitur Turris de Rosture. Preterea in terra regis Cordube sunt Badeluz civitas archiepiscopalis et Granata civitas et alia castella et civitates que non sunt in libro hoc. » 20 Ibid., voir le commentaire prudent de Gautier DalchĂ© dans son Ă©dition, p. 266 Becke » pourrait ĂŞtre la rivière Bakka » d’al-IdrÄ«sÄ« wadi Baguh » ou rĂo Salado », Swell castellum Maurorum » pourrait ĂŞtre Sohail », le nom arabe de Fuengirola. 21 Voir la notice rĂ©digĂ©e par Marie-Pierre Laffitte dans le catalogue [disponible en ligne], ms. Français 2794 ». Les illustrations sont reproduites dans la base mandragore, [disponible en ligne]. Il existe très peu de bibliographie l’ouvrage a Ă©tĂ© remarquĂ© ponctuellement pour ses emprunts au Liber insularum Archipelagi de Buondelmonti et pour quelques-unes de ses cartes, voir, par exemple Buondelmonti, Description des Ă®les de l’Archipel, Ă©d. de Legrand, p. xxxiii. Mais le texte est inĂ©dit et il n’existe encore aucune Ă©tude complète. Une première mise au point sur la composition du manuscrit et le contexte de rĂ©alisation dans Vagnon, 2017. 22 BnF, ms. Français 2794, fo 3ro-vo. 23 Selon Motzo, dans son Ă©dition de Il Compasso da navigare, pp. cxxv-cxxvii. La valeur du mille romain est de 1 480 m, le mille vulgaire » utilisĂ© par les navigateurs serait de 1 230 m. 24 Une approche intĂ©ressante de modĂ©lisation des parcours maritimes anciens en prenant en compte les courants et les vents est proposĂ©e par Leidwanger, 2013. Je remercie David Gherdevich pour cette rĂ©fĂ©rence. 25 Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, p. 4, n. 1. 26 BnF, ms. Français 2794, fo 68vo De Monzema a la citĂ© de Septe a CL mile par ponant vers libech et en ce chemin est golf. Et y est le chef de Capharnolit XL mile loing de Septe par levant. Du chef de Entrefort a Septe a CC mile par ponant vers libech. De Oran a la citĂ© de Septe a CCCC mile par ponant vers libech tierce de vent lessant le golf. Septe est une citĂ©, devers levant y a une montaigne qui s’appelle Myna, et une autre de ponant qui s’appelle Belonas. » 27 Cette section est une traduction librement adaptĂ©e et enrichie du Liber insularum Archipelagi de Cristoforo Buondelmonti. Voir Buondelmonti, Description des Ă®les de l’Archipel, Ă©d. de Legrand. 28 Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, pp. 78-79 Lo complimento de volgere tucta la starea. Hor è complimento de vogere tucta la starea de la terra, soè a ssavere, primaramente la Spagna, e Catalogna e Provenza e Principato e Pullia e Scravenia e tucto l’altro mare entro a Saffi. Peleio de Capo de Pali. » 29 Le manuscrit a Ă©tĂ© offert Ă François d’AngoulĂŞme, futur François Ier, dont on voit le portrait sur le frontispice fo 1. Voir la notice rĂ©digĂ©e par Marie-Pierre Laffitte dans le catalogue [disponible en ligne], ms. Français 2794 ». 30 Il est donc possible que la description du courant dans le dĂ©troit corresponde au moment du reflux de la marĂ©e vers l’Atlantique. 31 De viis maris, § 5, p. 195 Et est notandum quod ad introitum districtarum Affrice est tantus aque impetus quod, nisi vis venti fortior fuerit ad impellendum impetus aque, negabit navi ingressum. Cum autem navis ingressa fuerit districtas Affrice, non declinabit se neque a dextris neque a sinistris, sed in medio ibit tutissima donec preterierit spatium X miliarium ad estimationem nautarum, et tunc declinandum est in sinistra navigii parte et sic tenere cursum iuxta Hyspaniam et terras illi conjunctas, donec perveniatur ad Marsiliam. » 32 Ibid., § 6 Et est sciendum quod ab introitu districtarum Affrice usque ad Scalonam que est prope Iherusalem, tota terra paganorum in dextra parte navigii, et ex opposito ab introitu districtarum Affrice usque ad montem magnum qui dicitur Muscian est Hyspania Sarracenica. Et iuxta illam est via navium euntium in peregrinatione in terram Iherosolimitanam. Et a monte illo qui dicitur Muscian usque ad Scaloniam in sinistra parte navigii secus mare fere tota terra est terra christianorum. » 33 BnF, ms. Français 2794, f° 2vo ; Il Compasso da navigare, Ă©d. de Motzo, p. 4 Lo dicto monte de Gibeltari de tucte parte se mostra forcato. » 34 La Roncière, Mollat du Jourdin Ă©d., 1984, no 68, pp. 245-246 et no 83, pp. 257-258 ; Hofmann, Richard, Vagnon Ă©d., 2012, pp. 19, 22 et 82-83. Table des illustrations Titre Fig. 1. — DĂ©tail du dĂ©troit de Gibraltar, Grazioso Benincasa, Atlas de la MĂ©diterranĂ©e et de l’Atlantique, 1466, feuille 3, MĂ©diterranĂ©e occidentale », Paris, BnF, CPL GE DD-2779 RES URL Fichier image/jpeg, 184k Titre Fig. 2a. — Description des cĂ´tes, des Ă®les et des ports de l’ocĂ©an Atlantique et de la mer MĂ©diterranĂ©e, vers 1500, Paris, BnF, ms. Français 2794, fo 3ro URL Fichier image/jpeg, 101k Titre Fig. 2b. — Description des cĂ´tes, des Ă®les et des ports de l’ocĂ©an Atlantique et de la mer MĂ©diterranĂ©e, vers 1500, Paris, BnF, ms. Français 2794, fo 3vo LĂ©gende © Bibliothèque nationale de France URL Fichier image/jpeg, 128k Titre Carte des distances maritimes entre les principaux ports du dĂ©troit LĂ©gende DAO D. Gherdevich. © Esri, DeLorme, HERE URL Fichier image/jpeg, 38k Titre Fig. 3. — Description des cĂ´tes, des Ă®les et des ports de l’ocĂ©an Atlantique et de la mer MĂ©diterranĂ©e, vers 1500, Paris, BnF, ms. Français 2794, fo 68vo LĂ©gende © Bibliothèque nationale de France URL Fichier image/jpeg, 109k Auteur UMR 8589 – LAMOP, Paris Du mĂŞme auteur Les cartes marines, xive-xviie siècle une appropriation de l’espace maritime in Entre idĂ©el et matĂ©riel, Éditions de la Sorbonne, 2018 Le dĂ©partement des Cartes et Plans de la Bibliothèque nationale de France et le programme MeDIan cartographie de l’ocĂ©an Indien in Parcourir le monde, Publications de l’École nationale des chartes, 2013 L’apport du voyage en Terre sainte au savoir gĂ©ographique in Le voyage au Moyen Ă‚ge, Presses universitaires de Provence, 2017 Tous les textes fixationgarde-corps Ă la française; lipofilling turquie : prix; ou se situĂ© la grèce par rapport Ă leurope. ou se situĂ© la grèce par rapport Ă leurope. November 9, 2021
Rappel de la vision et des objectifs stratégiques La stratégie de façade maritime Méditerranée repose sur une vision à 2030 fondée sur une exigence celle de l’atteinte et du maintien du bon état écologique et la préservation d’un littoral attractif ; un projet une économie bleue durable et productive ; un levier une transition écologique pour la mer et le littoral effective. Les 53 objectifs environnementaux et les 62 objectifs sociaux-économiques adoptés concilient, dans le souci d’une démarche intégrée, le développement économique des activités maritimes et le respect du milieu marin ex soutien à la mise en place de zones de mouillages organisés et la mise en place de services auprès des plaisanciers. Lien entre les actions existantes et les nouvelles Le lien entre les actions existantes et les actions nouvelles était primordial pour assurer une cohérence et une continuité des politiques publiques. Ainsi, de novembre 2019 à février 2020, il a été procédé à l’analyse de la suffisance des mesures mises en œuvre sur le volet environnemental, notamment au travers du Plan d’action pour le milieu marin. Par ailleurs, un recensement des actions socio-économiques mises en œuvre par les acteurs de la façade Méditerranée a été réalisé, notamment grâce à la participation des collectivités régionales cet exercice était inédit à cette échelle. Ce recensement et cette analyse de la suffisance des actions existantes ont été déterminants dans le processus d’élaboration des volets opérationnels des documents stratégiques de façade. Ils ont permis de justifier le maintien ou non d’action en face d’un objectif stratégique il a parfois été considéré que les actions existantes suffisaient pour atteindre un objectif défini et de réfléchir à de nouvelles actions. Ce travail est une garantie du caractère opérationnel et rationnel du plan d’action, dès lors que chacune de ces actions est vécue comme une nécessité. Aujourd’hui, chacune des actions du document comprend des éléments de contextualisation permettant d’expliciter précisément ce lien entre actions existantes et nouvelles. Les thématiques » retenues à l’échelle de la façade Six chapitres, six problématiques, six univers » différents où agir Le plan d’action se décline en six chapitres, six problématiques distinctes, cohérentes, qui se justifient par leur approche territoriale, au sein des zones de vocation définies dans la stratégie de façade maritime. La diversité d’acteurs, d’univers, d’enjeux, les temporalités et les modalités d’actions sont si hétérogènes que les résumer leur fait perdre leur matière. Pour autant, la feuille de route, décrite ci-dessous, sans être exhaustive, permet une approche dynamique synthétique, qui traduit la mobilisation d’une façade entière sur une politique maritime intégrée. Chapitre 1 – Littoral Il présente les actions qui s’exerceront principalement dans les zones de vocation littorales, c’est-à -dire majoritairement situées dans la bande des 3 milles et lieux d’intense concentration d’activités et d’enjeux majeurs. Les actions concernent à la fois la gestion durable des activités anthropiques côtières, la compréhension de leurs impacts cumulés et la réduction de leurs pressions. Elles s’attachent également à anticiper l’évolution structurelle des activités anthropiques qui ont un lien direct avec les politiques publiques des territoires littoraux, notamment les énergies marines renouvelables pour l’autonomie énergétique, l’atteinte zéro artificialisation nette », mais aussi l’accessibilité, l’écotourisme et l’amélioration de la qualité de l’air. Introduction du plan d'action façade Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Chapitre 2 – Ressources halieutiques et aquaculture Les actions présentées concernent d’une part la réduction des impacts de la pêche professionnelle, de la pêche récréative et de l’aquaculture notamment par l’amélioration des connaissances des stocks, la sensibilisation et la formation, et une volonté de réduction forte des captures accidentelles. La deuxième partie du chapitre rassemble les actions dédiées à un accompagnement fort de la filière, notamment en termes de recherche et d’innovation, mais aussi d’implantation économique territoriale et de meilleure visibilité pour les populations locales. Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Document PDF Ko Chapitre 3 – Espaces et espèces emblématiques Ce chapitre se concentre notamment sur des espèces non commerciales particulièrement vulnérables et qui représentent pour certaines de nouveaux enjeux du Document stratégique de façade par rapport au Plan d’action pour le milieu marin notamment, élasmobranches et tortues marines. Il se consacre également à mettre en valeur les actions innovantes que portera le DSF Méditerranée sur les paysages littoraux et sous-marins, ainsi que le patrimoine archéologique. Chap_espece Document PDF Ko Chap_espece Document PDF Ko Chapitre 4 – Univers portuaire et industriel Les actions portent sur l’amélioration de la structuration des filières des industries navales et nautiques notamment dans leur lien avec les appels à projets et à manifestation d’intérêt nationaux et européens pour faire de la façade Méditerranéenne une vitrine de l’excellence et de l’innovation, en matière de numérique et d’écoconception. Les actions relatives aux ports sont majeures car elles garantiront la réduction à termes des pollutions et nuisances par le développement de l’électrification des navires et des gaz à faible émission. Elles s’attacheront également à renforcer le lien du port avec le citoyen et la ville pour valoriser cet élément structurant de l’urbanisation du littoral. Document PDF Ko Document PDF Ko Chapitre 5 – Éduquer, sensibiliser Les métiers maritimes peuvent souffrir d’un manque d’attractivité et de visibilité les actions présentées dans ce chapitre ont pour objet de monter une gouvernance de façade opérationnelle, de porter des actions de communication coordonnées et efficaces, de créer des passerelles entre les métiers pour renforcer leur visibilité auprès des jeunes. Une deuxième partie présente les actions de sensibilisation et d’éducation à l’environnement, pour tout âge, que la Méditerranée porte tout particulièrement depuis le premier cycle du PAMM et qui visent à gagner également en coordination et efficacité, par des supports innovants et des partenariats particuliers. Document PDF Ko Chapitre 6 – Déchets Ce chapitre rassemble les actions dédiées à la réduction des déchets, à leur collecte et à leur valorisation dans chacune des filières et des sources de production connues à l’échelle de la façade et du bassin versant. C Document PDF Ko C Document PDF Ko Annexes Annexe_1_Tableau_de_synthese des actions_façade Document PDF Ko Annexe_2_Liste des actions_zones_1_a_15-2_façade Document PDF Ko Annexe_2_Liste des actions par zone_16_a_30-2_façade Document PDF Ko Annexe_3_derogations_façade Document PDF Ko Annexe_4_Glossaire du plan d'action_façade Document PDF Ko Annexe_5_Liste_des_acronymes du plan d'action_façade Document PDF Ko
Originairede l’Atlantique subtropical et tropical, il a Ă©tĂ© vu la première fois en MĂ©diterranĂ©e sur l’île de Lampedusa en 2002, ou encore au large du MusĂ©e ocĂ©anographique en 2015, Ă
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