RegardezDE L'AUTRE CĂTĂ DU PĂRIPH' - 2ĂME PARTIE : LE MEILLEUR DE L'ĂME en streaming et VOD , Documentaire de 1997 de Bertrand Tavernier avec Les Habitants de La CitĂ© Grands PĂȘchers de Montreu Essai gratuit Abonnement Ă la carte Me connecter
Il y a un an, la sortie de lâalbum Deux FrĂšres dĂ©ferle les foules dans la capitale, envahit les Champs-ĂlysĂ©es et dĂ©truit les records de ventes de lâannĂ©e. Ceux qui viennent du 91, de lâautre cĂŽtĂ© du pĂ©riphâ, regardent du haut de la Tour Eiffel leur citĂ© des TarterĂȘts au loin. Certains retiendront de cette image le coĂ»t faramineux du clip, dâautres les messages rĂ©pandus sur les murs ou leurs lissages ruinĂ©s par la pluie. Mais ne nous intĂ©ressons pas aux dĂ©tails et prenons ce que nous avons devant les yeux deux banlieusards sur le monument symbole de la France et de Paris. Comment penser que cette apparition nâait pas un sens plus profond? Comment ne pas trouver dans ce visuel un Ă©niĂšme cri de rage dans le rap face Ă lâinĂ©galitĂ© socio-spatiale en Ăle-de-France? Retour sur Au DD, dĂ©cryptage des paroles, du clip. AnnĂ©es 50 en France, aprĂšs une vague dâimmigration massive au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement se trouve dans lâobligation de loger rapidement ces milliers de familles Ă revenus faibles. Ă la lisiĂšre de la capitale sont ainsi crĂ©es des blocs de HLM oĂč on parque ces gens loin du centre, des grands boulevards haussmanniens et surtout des touristes. Ces blocs deviendront ce quâon appelle aujourdâhui la citĂ©, la banlieue, la zone, le bendo, avec toutes les inĂ©galitĂ©s, toute la violence, la prĂ©caritĂ© et surtout les prĂ©jugĂ©s quâon lui toujours en France, deux âbougnoulesâ louent la Tour Eiffel, se font le plaisir de rapper dessus, de sây filmer et pour couronner le tout sâamusent Ă dĂ©filer sur la plus belle avenue du monde accompagnĂ©s de tout leur quartier. Ainsi, aprĂšs lecture de mille et un article sur Au DD, principalement concentrĂ©s sur des faits extĂ©rieurs Ă la musique en elle-mĂȘme tout est passĂ© au crible, son marketing, sa dĂ©mesure, son vocabulaire et son succĂšs, , le nouveau record de streaming scandĂ© chaque jour sans quâune seule fois lâon sâintĂ©resse Ă ce qui est Ă lâorigine de tout ça le son en lui-mĂȘme, ce quâil montre et quel message il nous renvoie, faire une bonne vieille analyse en bonne et due forme. Oui, comme quant au lycĂ©e, on vous faisait analyser des textes de Victor Hugo. Alors pourquoi le faire sur PNL ? Je sens dĂ©jĂ les plus puristes sâinsurger, âIl nây a rien Ă analyser!â âCe nâest mĂȘme pas du français !â. Oui, PNL on un langage familier, oui, pour la plupart des gens le Rap et un genre pauvre, une âsous-cultureâ dâaprĂšs Eric Zemmour, sans rĂ©el messages que fumer, tiser, baiser, comme le dit si bien Alain Finkilekraut, un âsabir simpliste, hargneux, pathĂ©tiquement hostile Ă la beautĂ© et Ă la nuanceâ. Mais on est en 2019, et Victor Hugo est mort et nâaura sĂ»rement plus grand impact sur le paysage français alors que PNL sont lĂ , bousculent les foules et les univers. En effet, Ă©couter PNL câest plonger dans un univers sur-mesure imaginĂ© par les deux frĂšres et dont les ficelles ne sont pas donnĂ©es facilement. Mais aujourdâhui, nous nâallons pas analyser les allers venus de HervĂ© dans le bloc mais plutĂŽt celle de Tarik et Nabil et de leur pĂ©riple les amenant des TarterĂȘts jusquâau TrocadĂ©ro, parce quâil est relativement compliquĂ© dâarriver dâun point Ă un autre de lâIle-de-France sans passer par ce cher pĂ©riphĂ©rique, immense, constamment bouchĂ© et faisant office depuis tant dâannĂ©es de barriĂšre sociologique, Ă©conomique et culturelle entre deux mondes, deux univers, deux populations. Ăvoquer le Rap en France, câest aborder un moyen dâexpression artistique porteur dâun discours reprĂ©sentatif des populations des quartiers populaires. Ăvoquer le rap Ă Paris, câest articuler autour dâun sĂ©paratisme social, crĂ©er par ce fameux pĂ©riphĂ©rique francilien, dressant la limite entre Paris et sa banlieue, câest Ă©couter un discours dâinclusion et dâexclusion, de comparaison entre les deux espaces qui sâopposent tout en ne faisant quâun. PNL aussi dans leur discographie abordent le sujet, ils viennent, et le revendiquent, du 91, pourtant adopte parfois lâĂ©tiquette parisienne âJââsuis de Paris, jâsuis pressĂ©â. Au DD, aprĂšs plusieurs Ă©coutes, sâinscrit parfaitement dans ce discours populaire, se construisant dans ses paroles et dans son visuel comme un dialogue entre Paris et sa banlieue, lâune rĂ©pondant Ă lâautre, PNL au milieu jouant le la premiĂšre image du clip, le ton est donnĂ©, les deux frĂšres sont assis sur la Tour Eiffel et regardent du haut de celle-ci la capitale sâĂ©talant sous eux, rĂ©sonne en fond rapidement les premiĂšres notes puis la premiĂšre phrase âBats les couilles dâlâHimalaya, Bats les couilles jâvise plus lâsommetâ qui immĂ©diatement fait lien. Les deux frĂšres comme la plupart des jeunes de banlieues ont entendu toute leur vie quâils nâĂ©taient pas de Paris, que Paris Ă©tait mieux que leur citĂ©, quâils ne valaient pas celle-ci. Ainsi, le sommet a aussi pour longtemps Ă©tĂ© Paris, avoir un poids dans la capitale, maintenant quâils lâont, quâils peuvent se payer la Tour Eiffel, quâils sont sur le sommet, la rĂ©alitĂ© de celle-ci est bien plus fade quâon leur a vendu et les a mĂȘme déçu âLa Lune jâlâaime plus, jâvous la laisseâ. DĂšs lors, maintenant quâils ont traversĂ© le pĂ©riphĂ©rique, commis ce âcrime passionnelâ envers leur citĂ©, les deux frĂšres dans leurs paroles nous dĂ©peignent une nostalgie, une tristesse, mĂȘme si rĂ©currente dans leurs chansons ici prĂ©pondĂ©rante et porteuse dâun mal-ĂȘtre certain face Ă un mouvement majeur en France celui de lâappropriation culturelle de la banlieue par les classes plus aisĂ©es. Tarik et Nabil, grandis en citĂ© mais maintenant adulĂ©s par les jeunes de toutes classes sociales ne sont âni de chez-moi, ni de chez vousâ, apatrides, ils sont âbaisĂ©s par Panameâ et nâappartiennent pas ainsi Ă cette population, mais par leur succĂšs et Ă©videmment leur richesse ne sâinscrivent aussi plus vraiment Ă la population de banlieue. Cette ambiguĂŻtĂ© rĂ©sidant dans lâopposition binaire entre Paris et sa banlieue se ressent aussi notamment dans la construction syntaxique du texte. Le passage le plus marquant Ă©tant ce parallĂ©lisme sur quatre phrases pleines dâantithĂšses vis/meurs, monde/tombe, rĂȘve/cauchemar âJâvis dans un rĂȘve Ă©rotiqueOĂč jâparle peu mais jâcaresse le mondeJâmeurs dans un cauchemar exotiqueOĂč la Terre ressemble Ă ma tombe.â Ils opposent ainsi le rĂȘve de la citĂ© et le cauchemar de la vie mondaine. ThĂšse paraissant bancale, mais qui nâest finalement pas si loin de la vĂ©ritĂ© actuelle du contexte sociale parisien tout le monde aujourdâhui ne rĂȘve t-il pas dâĂȘtre PNL? La citĂ© ne reprĂ©sente pas telle pas aujourdâhui un Eldorado de lĂ©gitimitĂ© ? La mode nâest-elle pas au streetwear et Ă lâesthĂ©tique mafieuse des annĂ©es 80? Ce dĂ©bat socio-culturel majeur en France et dans le monde est rĂ©sumĂ© dans Au DD par une question âIgo, pourquoi tu parles en igo ?â. Ă travers cette interpellation, nous pouvons entendre en sous-titres pourquoi tu parles comme nous, agis comme nous, alors que tu nous dĂ©nigres ? Ou pourquoi as-tu alors dressĂ© entre nous une autoroute? MalgrĂ© lâopposition claire dans les paroles, le groupe ne dresse pas quâune conclusion binaire de la situation, ils floutent aussi la ligne de cette confrontation Ă travers le visuel du clip. SâenchaĂźnent sous la forme dâun montage alternĂ© ou parallĂšle, la force de ce flou rĂ©sidant donc aussi dans le dĂ©bat si les actions se dĂ©roulent en simultanĂ©e, des plans des deux hommes dans la Tour Eiffel puis dâeux dans un dĂ©cor dâun bĂątiment dĂ©saffectĂ© reprenant leur casquette de dealers. Le choix de la lumiĂšre, ou plutĂŽt le non-choix de celle-ci, de lâambiance et des couleurs ne permettent pas de pleinement distinguer dans toute la vidĂ©o la localisation de la scĂšne ont-ils installĂ© la Tour Eiffel aux TarterĂȘts ou ont-ils fait de celle-ci le nouveau four dâIle-de-France ? En tant que spectateur, dresser la ligne entre les deux est plus compliquĂ© que prĂ©vu et câest justement lĂ oĂč rĂ©side tout le sens de âAu DDâ mais aussi du mouvement mĂ©diatique qui suivit. SĂ©parĂ©s pendant des dĂ©cennies par une route, par des prĂ©jugĂ©s, par un rapport aux chances et Ă la culture. Aujourdâhui, le Grand Paris arrive et nous ne pouvons plus lâarrĂȘter, encore parler de la banlieue et de Paris fait-il sens ? Outre le code postal, quâest ce qui change vraiment de lâautre cĂŽtĂ© du pĂ©riph ? Fondamentalement, lâaccĂšs aux chances, les valeurs inculquĂ©s durant lâenfance aussi si on en Ă©coute le groupe âPas dâhonneur, toi, tu sens dâiciâ mais outre les -trĂšs importantes- nuances sociĂ©tales. Aujourdâhui, les deux populations sâhabillent de la mĂȘme maniĂšre, Ă©coutent la mĂȘme musique et usent du mĂȘme langage. Une seule chose subsiste, lâimage du banlieusard, lâaura mythique qui lâentoure -presque fascinatrice dans ce contexte- et la discrimination et le mĂ©pris qui en dĂ©coule. MalgrĂ© leur notoriĂ©tĂ©, PNL fidĂšles Ă leur motto Que La Famille, refuse lâĂ©tiquette parisienne âToujours dans mon 91 car jâsuis baisĂ© par Panameâ et plus que ça, refuse lâĂ©tiquette dâartistes quâon dĂ©sire leur attribuer et les cases dans lesquelles on les inscrit. Ils y assument aussi leur passĂ©, âSans le bĂ©nĂ©f de la rue jâaurais jamais niquĂ© le gameâ, le revendiquent mĂȘme comme encore prĂ©sent âles ienclis ne tomberont jamais sur messagerieâ et le place Ă la racine mĂȘme de leur succĂšs. Les deux frĂšres livrent ainsi un discours sur la relation ambiguĂ« quâils ont Ă prĂ©sent avec leur citĂ© et Paris, les sentiments contradictoires quâils ressentent face Ă cette situation âPas plus dâhaine que dâamours que jâlache entre mes toursâ et enfin cette peur de ne plus ĂȘtre authentique, cette possibilitĂ© face Ă cette nouvelle notoriĂ©tĂ© et cette proposition de âViens on sâcasse mon frĂšre, avant quâon sâperdeâ. Le clip se conclut sur une duplicitĂ© autant dans les paroles que dans le visuel. Nous pouvons voir un fondu sâenchaĂźnant, eux sur le toit dans le bĂątiment, regardant la Tour Eiffel au loin, puis eux sur cette mĂȘme Tour Eiffel, les lumiĂšres de celle-ci sâĂ©teignant sur la derniĂšre phrase âJâme promĂšne dans les beaux quartiers avec le seum qui fait peur aux riches.â. On entend seum âveninâ en arabe puis âhaineâ en argot français mais aussi lâhomophone âsommeâ. En effet ils se promĂšnent avec cette haine, qui a dâune maniĂšre toujours Ă©tĂ© prĂ©sente et qui sâest accrue avec les annĂ©es, mais aujourdâhui ils ont quelque chose quâils nâavaient pas avant, la âsommeâ, lâargent, plus rien ne les diffĂ©rencie de ces riches Ă part leurs origines. Et alors que la Tour Eiffel sâĂ©teint, câest comme un message qui se propage dans toute lâIle-de-France alors que la Dame de Fer disparaĂźt et que les Uber et le bus QLF eux sâallument et sâĂ©tendent dans la ville. Le pĂ©riph est tombĂ©, la barriĂšre a Ă©tĂ© franchie, la banlieue ne fait plus âquâinfluencer Panameâ, elle lâenvahit. La banlieue est devenue Paris et les enfants quâils Ă©taient, regardent de loin la Tour brillante quâĂ prĂ©sent PNL Ă©teint. Ces enfants marginalisĂ©s, enfermĂ©s dans cette binaritĂ© sociale malgrĂ© eux nâont plus besoin de la viser, car eux lâont eu, et peuvent Ă prĂ©sent dire, quâil nây a rien Ă voir et quâelle nâest pas mieux quâeux. Comme concluait Le Point Ă la fin de leur article sur lâalbum Deux FrĂšres âse plaindre de lâĂ©tat du monde, ça rapporte !â, Ă leur instar, pour une fois ne nous concentrons pas sur leur fait que ça leur ârapporteâ, mais que justement, ils se plaignent de lâĂ©tat du monde, et que oui, la parole dâun âbougnouleâ a une valeur. RĂ©dactrice Smah Illustrations Marta McIlduff
Del'autre cĂŽtĂ© du pĂ©riph sur M6 : la suite avec Omar Sy est disponible en streaming ! De l'autre cĂŽtĂ© du pĂ©riph - Omar Sy - Laurent Lafitte - M6. AlloCinĂ© âą 1 month ago. A lire sur AlloCinĂ© : Pour retrouver le duo de choc Ousmane et François aprĂšs "De l'autre cĂŽtĂ© du pĂ©riph", dĂ©couvrez la suite, toujours avec Omar Sy et Laurent Lafitte, disponible enBande Annonce [FR] de David Charhon To view this video please enable JavaScript, and consider upgrading to a web browser that supports HTML5 video. Un matin Ă lâaube dans une citĂ© de Bobigny, prĂšs dâun vieux tripot clandestin, est retrouvĂ© le corps sans vie de Eponine Chaligny, femme du trĂšs influent Jean-Ăric Chaligny, premier patron de France, au centre dâun climat social extrĂȘme qui secoue la France depuis quelques semaines. Ce matin-lĂ deux mondes radicalement opposĂ©s vont alors se croiser Ousmane DiakitĂ©, policier de la section financiĂšre de Bobigny et François Monge, capitaine de la fameuse police criminelle de Paris. Leur enquĂȘte va les emmener dâun cĂŽtĂ© Ă Paris et son syndicat patronal, de lâautre en banlieue de Bobigny et ses affaires clandestines. Tour Ă tour, de lâautre cĂŽtĂ© du pĂ©riph.